Après avoir lu et apprécié La Physique des catastrophes, j'attendais avec une certaine impatience une autre parution de l'américaine Marisha Pessl. C'est donc avec beaucoup d'attentes que j'ai ouvert son dernier roman. Et je n'ai pas été déçue une seconde !
Le
journaliste Scott McGrath fait son footing dans Central Park à des
heures indécentes. Il croise une femme enveloppée dans un grand manteau
rouge qui semble se déplacer de façon très curieuse et dont le visage
lui reste énigmatiquement dissimulé. Quelques jours plus tard, il
apprend le suicide d'Ashley Cordova, pianiste virtuose et fille d'un
cinéaste culte, Stanislas Cordova. Bien entendu, notre journaliste
commence à enquêter. Il ne croit pas à l'hypothèse du suicide et
souhaite coincer Cordova. Il faut dire que ce dernier lui a valu d'être
viré de son dernier poste (mais Scott n'avait pas de sources très
claires pour étayer ses dires). Bref, notre héros (qui est plus anti que
héros) se lance dans la bataille, interroge, fouille et s'agite. Il est
accompagné de Nora, SDF et future actrice, et de Hopper, dealer.
Sera-t-il
à la hauteur du maître de l'effroi ? Car Cordova n'est pas un cinéaste
comme les autres. Discret, voire terré, il suscite les rumeurs les plus
folles. D'ailleurs, existe-t-il vraiment ? Se lancer à la poursuite de
ce fantôme signifie entrer dans un monde d'apparences et de violence, de
radicalité, de sorcellerie... Nos trois loulous étaient prévenus. Le
lecteur aussi. Et si McGrath est plutôt du genre sceptique et cartésien,
les événements vont bientôt le faire douter de tout.
Un
roman qui aspire le lecteur et les héros dans un tourbillon. Il y a
toujours un autre niveau, une autre interprétation qui vient irriguer
l'enquête. De même que dans les films de Cordova, l'horreur n'est jamais
loin ; mais révèle l'être humain, lui donne la force de se contempler
dans sa complétude, de vivre entièrement, sans demi-mesure. Pour donner
une autre dimension au roman, des extraits de journaux, des photos, des
sites web s'immiscent dans les pages et ajoutent de l'information,
souvent pertinente pour nos enquêteurs et le lecteur. J'ai
particulièrement aimé me faire mener en bateau par ce livre, me douter
(un peu avant Scott) que nous n'étions pas loin d'un film de Cordova,
douter sans cesse de la réalité qui était proposée, les allers et
retours entre rationnel et irrationnel. Certes, certaines ficelles sont
un peu grosses, certes les multiples fins sont peut-être trop
téléphonées, mais l'ensemble reste un très bon roman, qui joue sur une
ambiance à la Hitchcock, où l'on se sent manipulé psychologiquement
(comme Scott), où l'on aime se faire peur... parce que cela nous
entraine au-delà de l'apparence insipide de la vie quotidienne !