Afin de suivre, de loin en loin, le mois japonais proposé par
Lou et
Hilde, j'exhume de ma PAL cet ouvrage de Saikaku Ihara. J'avais peur de ce qu'il me réserverait. J'ai en effet lu, dans la même collection, le très fameux
Je suis un chat qui m'avait plutôt pesé. Oui, ça tient à pas grand chose les a priori sur les livres chez moi.
J'ai donc découvert cinq histoires d'amoureuses sous la plume d'un écrivain japonais du XVIIe siècle et ça m'a bien plu. C'est toujours tragique, bien sûr.
Le lecteur entre dans les textes comme au théâtre, avec le titre et une description rapide des chapitres, puis s'engage dans un court roman, ou une nouvelle d'amour et de passion. Oui, la forme est un peu étrange à nos yeux. L'histoire est toujours assez réaliste et s'inspire d'aventures vécues. Par contre, pour comprendre la beauté de la langue et des mots choisis, il faut se reporter sans cesse aux très nombreuses notes (en fin de volume et avec des sous-catégories a) et b) et c) etc., vive le bouquin avec deux marque-ta-page), ce qui, in fine, te dégoute de la langue plus qu'autre chose. Je te donne un petit exemple pour que tu comprennes bien :
"Le titre même de ce chapitre "Koi wa yami yoru wo hiru no kuni" est un exemple du style de Saikaku.
(Là, je me dis "chouette, je commence par une œuvre exemplaire")
"Koi wa yami", littéralement : "L'amour, ce sont les ténèbres", est un proverbe signifiant que cette passion obscurcit l'intelligence. Si l'on ajoute "yoru" (la nuit), comme "yami yoru" signifie "une nuit de ténèbres", la phrase ainsi allongée signifie à son tour : Pour ce qui est de l'amour, une nuit de ténèbres (est propice à ses mystères)" (Koi wa yami yoru).
(Ah, oui, ça va, c'est logique. Je ne sais juste pas d'où sortent les mystères mais soit)
Si l'on prend maintenant "yoru" comme pivot en l'incorporant à la fin de la phrase,
(Mais pourquoi voudrait-on faire ça ?)
cela donne "yoru wo hiru no kuni" ou "le pays (kuni) qui fait de la nuit (yoru wo) le jour (hiru)" expression qui veut dire "lupanar".
(Ah oui, quand même ! C'est joli comme expression)
L'ensemble correspond ainsi à : Le lupanar de Murotsu où le héros de l'histoire, plongé dans les extravagances de l'amour, perd la tête, dans les mystères de la nuit ténébreuse qui remplace le jour dans ce quartier.
(Là, c'est de la traduction ! t'es sûr que tu triches pas parce que tu connais l'histoire ?)
On relève ainsi le procédé de style cher aux poètes haïkaïstes chez qui les rebondissements de mot à mot, ou d'expression à expression, forment chaines d'évocations. Ce genre d'association en chaine d'images ou d'idées rend parfois difficile l'interprétation des titres de chapitres dans les œuvres de Saikaku. On en trouve aussi des exemples dans le texte même, surtout au commencement et à la fin des chapitres"
(Et ce n'est que la première note... on n'a pas fini ! C'est gentil de tout vouloir expliquer mais c'est un peu dense pour un petit titre de chapitre. Vive le traducteur disert).
Alors, voyons nos cinq récits.
Histoire d'une belle de Himeji et de Seijuro.
Seijuro est un pilier de lupanar. Son père ne supporte plus son fils débauché et le chasse. Mais en d'autres lieux aussi, il reste un joli coeur... Ce qui ne lui porte pas chance.
Histoire du tonnelier tombé amoureux.
O-Sen attire tous les regards. Mais c'est finalement le tonnelier qui l'épouse après un étonnant pèlerinage. Mais la jalousie va perdre notre héroïne.
Histoire de l'éditeur d'almanachs.
La jeune épouse O-San assiste sa servante O-Rin dans ses correspondances amoureuses. Pour se moquer du prétendant, elle imagine une farce qui se retourne contre elle.
Histoire de la fille du marchand de légumes.
Réfugiée dans un temple, la jolie O-Sichi s'amourache d'Onogawa Kichisaburô. Les jeunes amants rusent pour se voir mais n'y tenant plus, O-Sichi commet un crime.
Histoire de Gengobei.
Histoire d'un bel homosexuel qui voit mourir ses amants et se retire loin du monde. Jusqu'à ce qu'une jeune femme déguisée lui rende visite. Avec un happy end.
Toutes les histoires se ressemblent un peu, on sent que l'adultère, c'est vraiment pas bien, mais que toutes ces braves hommes et petites dames ont envie d'y goûter. Et forcément, ça se passe mal.
Eh alors, avec toutes ces histoires, tu as fait le plein de littérature érotique ?! En fait, si tu t'attends à des textes aussi détaillés que les estampes japonaises, ce n'est pas le bon bouquin. Cela reste très chaste, on se glisse parfois dans un lit, grand max. Pas de voyeurisme, juste des comportements choquants pour la morale de l'époque. Et quelques petites images mignonnes pour nous illustrer tout ça !