Deux très chouettes expositions à voir en priorité : Les maîtres du désordre et Exhibitions : L'invention du sauvage.
Je commence par ma préférée, vous ne m'en voudrez pas.
Les maîtres du désordre propose une promenade à travers une étrange structure métallique de Jakob+MacFarlane. Tout commence avec l'acceptation du désordre, du chaos, de la force obscure qui menace le monde. Cette malignité, elle est présente au sein même de nos panthéons, qu'il s'agisse de l’incontrôlable Dionysos, de Topu ou de Shiva.
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C'est Topu ! |
Puis l'on s'intéresse aux intermédiaires, ceux qui tentent de régir ce chaos ; prêtre ou chamane, ce personnage vit à la croisée des mondes. Il se distingue du commun et se reconnait à ses capacités hors normes : il peut se métamorphoser, voyager (en prenant des boissons pas très nettes, je vous l'accorde) et dialoguer avec les esprits malins. Ce personnage apporte donc l'ordre et le renouveau dans les sociétés. Il soigne, il indique les actions à mener pour éloigner le mal. Cette catharsis, cette purification du mal, elle est personnelle mais aussi collective : on la retrouve dans ces fêtes agitées que sont les bacchanales, le carnaval et autres lupercales.
Pour conclure le propos, des oeuvres contemporaines comme autant de nouvelles catharsis.
Ce qui est intéressant, ce sont les réflexions et la curiosité que déclenche cette exposition : on a envie de découvrir les mythologies et les rituels de la moitié de la planète. Et l'ethnologue invite les artistes contemporains à dialoguer avec les objets sacrés. L'art devient aussi une purification, un questionnement de ce chaos et son combat. Le parcours fait aussi intervenir de véritables médiums : filmés, ils nous content leurs actes, leur élection, leurs combats... Un vrai voyage ! Bravo !
L'invention du sauvage vaut aussi le déplacement.
L'exposition retrace l'histoire du racisme, cette mise à l'écart de l'étranger. L'autre intrigue et est exhibé. Dans les cours européennes, c'est un luxe de recevoir ces êtres inconnus, différents. Puis cette exhibition de l'autre se popularise à travers des spectacles. On s'étonne et on étudie cette différence, assurant bien entendu la supériorité de la race blanche. Etre noir comme être géant ou siamois, c'est une étrangeté suffisante pour être l'objet d'un numéro de cirque. Puis on passe au spectacle ethnique : les 'sauvages' sont payés pour présenter des numéros qui se veulent typiques de son peuple. Enfin, on clôture le propos avec les expositions universelles, à la gloire du colonialisme, qui présentent des hommes dans un cadre de vie reconstitué...
L'exposition présente bien cette progression des exhibitions et la construction de l'imaginaire qui l'accompagne. Sans cesse exhibé dans des conditions ridicules, enlevé de son pays, le 'sauvage' justifie la politique coloniale. Elle effraye, questionne, étonne, choque, ...
Là aussi, on aurait envie d'en savoir plus. Et de se pencher sur la construction des notions de race qui ont fait la fortune des XIXe et XXe siècle.
Par contre, l'installation finale qui invite à s'interroger sur les préjugés d'aujourd'hui m'a semblé hors propos. J'avais l'impression que l'on mélangeait tout. Cette leçon de tolérance et d'ouverture n'est-elle pas redondante avec l'exposition elle-même ? Cherche-t-elle à moraliser un sujet qui l'est déjà beaucoup ?
Deux autres expositions plus petites valent un détour. Il s'agit de la pluie et de la Patagonie.
La Patagonie propose une découverte des terres et peuples lointains, qui ont été construits dans l'imaginaire et les récits de voyages avant d'être réellement étudiés. Photographies qui donnent envie de voyager.
La Pluie propose une étude du phénomène météorologique et cosmique qu'est la pluie. Vitale, elle est apportée par des êtres supérieurs... qui sont parfois difficiles à maîtriser ! Les représentations de celle-ci sont également présentées. Une courte promenade sous le ciel pluvieux des différents continents.
Vous l'avez compris, la programmation actuelle du musée du quai Branly mérite que l'on s'y arrête quelques heures !