mardi 31 décembre 2013

La petite fille qui marchait sur les lignes

Ce joli livre de Christine Beigel et Alain Korkos m'a attirée. Le titre, la couverture, tout me plaisait.

Cet album raconte un jeu enfantin très courant, celui de suivre les lignes, de sauter sur les traits, de marcher en équilibre sans tomber dans un vide imaginaire. La petite fille que nous suivons cherche à garder l'équilibre. Ce qui est ensuite le prétexte à un voyage imaginaire. 

A noter dans cet album : un joli graphisme, qui joue avec la géométrie, de belles couleurs et un texte poétique sur la normalité. Bref, il ne peut que plaire aux petits et aux grands !


lundi 30 décembre 2013

Pierre Huyghe

Après avoir vu l'expo de Parreno au Palais de Tokyo, on m'a fortement incité à aller voir celle de Pierre Huyghe à Beaubourg. Pas contrariante, j'y ai fait un tour. Là aussi, j'ai été surprise par ce que j'ai vu. Je suis sortie en ayant l'impression de n'avoir rien saisi. Ce n'est pas forcément plus clair après quelques jours mais j'ai quand même retenu deux-trois choses.

A l'entrée de l'exposition, un feuillet. Pour une fois, il ne s'agira pas uniquement d'emporter en souvenir les textes des panneaux. Le feuillet sera utile dès l'exposition, dans les salles, dont il est le plan et l'explication. Enfin, en partie. Vous pourrez ainsi vous amuser à chercher l'araignée. Oui, elle tisse tranquillement sa toile. Ou subir quelques modifications atmosphériques (attention, ça mouille et c'est froid). Et surtout vous perdre entre réel et imaginaire.

Est-ce un jeu de piste ? En tous cas, les indices sont minimes. Il va vous falloir comprendre seul. Pas de médiation, pas de cartel mais des œuvres. A déambuler dans cet espace (qui parait pour une fois bien plus grand et complexe que ce qu'il est), on s'interroge sur les fêtes avec deux projections : Streamside Day et The Host and the cloud. Sur la nature avec un lévrier à la patte rose, des abeilles et une ruche sur une statue, des drôles de bestioles dans des aquariums ou des pingouins au bout du monde. On revoit Annlee. On peut jouer à allumer le plafond. On explore un site archéologique avec Timekeeper qui révèle les couleurs des cimaises précédentes. Et outre les visiteurs, des personnages qui semblent sortis tout droit des œuvres arpentent l'exposition. 

Étrangeté, bonjour ! Voilà une exposition où il faut accepter de ne pas comprendre. Il faut observer, se promener, tester. Bref, allez y faire un saut, c'est dépaysant, c'est esthétique, ça pose question...


dimanche 29 décembre 2013

Camille Claudel

Au musée Rodin se tient un hommage en forme d'exposition à Camille Claudel. Bon, autant vous prévenir tout de suite, c'est très petit et ce sont essentiellement des œuvres qui étaient auparavant exposées de façon permanente par le musée. 

Qu'en dire ? Il y a très peu de médiation. Certaines œuvres méritent le coup d’œil comme les causeuses. Il est amusant de voir que, comme Rodin, elle se plait à varier les matériaux. Mais bon, 20 œuvres et 3 cartels ça fait difficilement un propos... Plutôt que de savourer l'expo, on a l'impression que ça nous enlève autant d'espace où voir les oeuvres de Rodin que les travaux. Dommage.

Causeuses expo claudel rodin

samedi 28 décembre 2013

Anywhere, anywhere out of the world

anywhere out of the worldSaurais-je vous raconter comment Philippe Parreno habite le Palais de Tokyo ? 

Dès l'entrée, il s'annonce par une marquise lumineuse comme pour annoncer combien la lumière vient rythmer son installation dans tout le bâtiment. Tantôt Éblouissante ou clignotante, tantôt absente, celle-ci nous accompagne dans les profondeurs du palais de même qu'un air de Stravinsky joué sur un piano à l'invisible pianiste. Les points d'ancrage dans cette promenade sont les œuvres, souvent des vidéos. Mais il y a aussi une bibliothèque qui cache un passage secret, un robot, une héroïne de manga incarnée, AnnLee, et bien d'autres sujets de surprise et d'étonnement. 

Plus que la variété des œuvres, je retiendrai surtout cette façon de questionner ce qu'est une exposition. Les cartels jouent les fantômes et font place à des citations. La lumière révèle autant qu'elle cache. Le parcours est libre mais guidé par des répétitions en formes de clin d’œil. C'est une expérience à vivre plus qu'à voir. Car les œuvres ne se donnent pas à voir de la même façon selon que le moment où l'on arrive près d'elle. Verrez-vous les marquees dynamiques ou tremblantes ? L'écriture de Marilyn ou le robot ? 

Une exposition qui étonne, qui questionne et qui permet de (re)découvrir des oeuvres de Parreno et de quelques contemporains. A voir avec celle de Pierre Huyghe au Centre Pompidou avec laquelle elle présente quelques similitudes (et qui nous permet de mieux comprendre qui est AnnLee).

Anywhere out of the world expo


vendredi 27 décembre 2013

Le cimetière des bateaux sans nom

C'est certainement ma copine Mélou qui m'a fait découvrir Arturo Perez-Reverte. Je me souviens de ses étagères alignant La Reine du sud, La peau du tambour et Le maître d'escrime. Mais ma première rencontre avec lui s'est faite avec Le Club Dumas. J'ai été subjuguée par cette histoire. Depuis, j'aime à lire, régulièrement, un de ses romans. 

bateau

Celui-ci avait beaucoup pour me plaire. Il parle de bateaux. Son personnage principal est un marin. Et il est question d'aventure, de trésor, d'épaves et de cartes marines. Coy est coincé à terre suite à un échouement. Il se divertit sur le plancher des vaches en buvant du gin bleu et en suivant des ventes aux enchères d'objets nautiques. C'est là qu'il croise le chemin de la froide Tanger et du riche Palermo. Tous deux s'arrachent un vieil atlas. Poussé par la curiosité et par le désir, Coy va tout faire pour passer du temps avec Tanger. Même si cela signifie "mensonge et trahison".

Ce livre d'aventure met peut-être un peu de temps à démarrer. Et la fin se précipite. Bref, j'ai eu l'impression d'un petit problème de rythme. Mais l'ensemble est drôlement prenant. J'ai aimé ce personnage loyal et lourd qu'est Coy, son sixième sens de marin, sa connaissance et son goût des livres sur la mer, des étoiles, des bateaux. J'ai d'ailleurs bien révisé mon vocabulaire marin qui parsème le roman. Je l'ai observé élucider le mystère de Tanger et de son obsession. Voilà un livre qui fait voyager, autant dans l'espace que dans le temps !  

jeudi 26 décembre 2013

Que voir au Grand Palais ?

Entre Depardon, la grande roue, Braque, Vallotton et Cartier, ça n'arrête pas au Grand Palais ! Pour ma part, j'ai pu visiter Braque, Vallotton et Cartier. Allez, je vous raconte...

Braque-exposition-Grand-Palais
Commençons par Braque. Étonnamment, les premières salles étaient les plus blindées. Le fauvisme et le cubisme, ça plait. Et ça intrigue. C'est un peu un jeu de découvrir la construction du tableau et la disparition du motif. Et puis ça commence avec de la couleur. Par contre, c'est plus sombre dans les années 20. Et puis ça tourne beaucoup trop autour de la nature morte. Et franchement, passées les premières salles, je me suis sentie de moins en moins réceptive à l'oeuvre du peintre. Ah si, sa période grecque m'a bien plu... ses chevaux de bronze, ses illustrations de la Théogonie d'Hésiode. Mais sinon, quelle application, quelle sobriété qui confine à l'ennui. Est-ce moi ou tout cela manque de vie ? 


Vallotton-exposition-Grand-Palais

Avec Vallotton, on change complètement de style. Vous ne connaissez rien de ce peintre ? Ce n'est pas très étonnant. Ce n'est pas le plus populaire des stars des musées ou des cours d'histoire de l'art. Discret, un style bien à lui, on a du mal à le cataloguer. Et ce n'est pas plus mal. Personnellement, j'ai aimé sa façon de jouer sur le trait, le contour, la netteté mais aussi le flou. Certaines lignes m'ont rappelé Tamara de Lempicka.
Il est également intéressant parce qu'il touche un peu à tout : photo, paysage, portrait, nus, scènes mythologiques... et xylographies ! Et là, je peux vous dire qu'il est drôlement bon. Il dose parfaitement les blancs et les noirs, le plein et le vide. 
Cette exposition permet à la fois d'admirer beaucoup de ses œuvres (présentées par thématiques) mais aussi de découvrir la vie d'un peintre inclassable. Entre réalisme et symbolisme, il donne un vrai coup de fouet à la peinture mythologique. 

Vallotton-exposition-Grand-Palais

Cartier-Vallotton-exposition-Grand-Palais

Quant à l'exposition Cartier, j'ai été enchantée par la beauté des pièces présentées et très agréablement surprise par les premières vitrines. Tout ce qui concerne l'histoire de la maison, ses créations, ses soutiens jusqu'à l'art déco était très bien : l'information était bien dosée, intéressante et illustrée. Et puis on passe aux inspirations : Egypte, Orient, proche ou lointain. Là, on perd un peu de vue le fil historique. Et l'on croise les personnalités qui ont fait réaliser des pièces uniques au joaillier : le maharadjah de Patalia, Elizabeth Taylor, Maria Felix. Bref, on reste dans le très bel objet d'art mais le propos se dilue dans le people. Et ça manque un peu d'explications "techniques". Y a-t-il une taille de pierre Cartier ? Un serti Cartier ? Certes, il y a bien les pendules mystérieuses mais j'ai trouvé que le côté "comment crée-t-on tous ces beaux bijoux ?" manquait un peu. Petit plus : la scénographie est très chouette et les projections sur les voûtes sont superbes.

Cartier-exposition-Grand-Palais

Allez donc voir Vallotton, c'est certainement ce qu'il y a de plus enrichissant actuellement au Grand Palais. Et pour les filles amoureuses de mode, de belles pierres et de magasines people, n'hésitez pas, l'expo Cartier reste éblouissante !

mercredi 25 décembre 2013

Le Noël de Max

Ce petit livre de Rosemary Wells est tout à fait charmant.

Max est un petit lapin qui pose beaucoup de questions. Sa soeur Marie le met au lit, c'est la veille de Noël. Il la bombarde de "Quoi ?", "Qui ?", "Où ?", "Comment ?" et de "Pourquoi ?". 
Trop énervé pour dormir, Max décide de guetter le Père Noël. Il se met en embuscade devant la cheminée. Quand ce dernier arrive, Max le saoule à son tour de questions... Mais c'est au tour de Marie, au petit matin, de l'interroger sur les événements de la nuit.

Un petit livre adorable sur Noël, pour les enfants qui posent beaucoup de questions !

Joyeux Noël à tous :)

mardi 24 décembre 2013

La Reine des neiges

Quoi de mieux que le Disney de Noël pour passer une belle journée ! Surtout que celui-ci est vraiment de circonstance : il y a de la neige partout, c'est absolument magnifique. Franchement, ils ont trop géré sur le rendu des matières.

La Reine des neiges ne doit plus grand chose à Andersen, les puristes pourront râler. Mais il est beaucoup plus amusant. Anna et Elsa sont deux sœurs (et princesses) qui grandissent dans des contrées nordiques. Elsa a un don, celui de faire venir l'hiver. Elle transforme une salle de bal en patinoire, peut faire tomber la neige et créer des bonhommes de neige par magie. Sauf qu'un jour, elle blesse sa sœur. La voilà condamnée à cacher son pouvoir. C'est assez facile quand on reste enfermée dans sa chambre toute la journée. Mais moins lorsqu'il faut accueillir les ambassadeurs étrangers pour le couronnement. Lorsque Elsa plonge tout Arendelle sous la neige, l'aventure commence. Anna va tenter de faire revenir sa sœur avec l'aide d'un rêne, Sven, d'un bonhomme de neige, Olaf et d'un vendeur de glace, Kristoff. Accrochez-vous, ça va dépoter !

Ce qui est extra dans ce Disney, outre la magie, les princesses et la belle histoire, c'est la beauté des décors et des animations : les palais, la neige, la glace, les tissus... c'est absolument sublime. Autre belle surprise : les chansons. Let it go est incroyablement puissante ! Do you want to build a snowman est terriblement touchante ! For the first time in forever par les deux soeurs est génial ! Bref, je suis hyper convaincue. N'hésitez pas un instant, c'est un très bon cru. Et en français, les chansons sont un peu moins bien mais ça se laisse écouter.

Bref, je vous mets un extrait pour achever de vous convaincre !


lundi 23 décembre 2013

La Mémoire du monde

Astarté-mythe
Non, je ne vais pas vous parler du programme de l'UNESCO pour sauver les archives ! Stéphanie Janicot vient de sortir un roman à l'ambition démesurée : écrire la mémoire du monde. Reprenant le mythe du juif errant, elle nous propose de suivre une créature condamnée à l'immortalité. 

Merit est une jeune égyptienne. Elle vit avec son grand-père, un guérisseur qui connait toutes les plantes, non loin de la cour de pharaon. On est à l'aube du bouleversement qu'introduit Akhenaton. Merit est une fillette silencieuse et isolée. Seul Moseh saura lui arracher un mot. Mais son quotidien vacille le jour où son grand-père montre l'étendue de son savoir en réalisant une potion qui rend immortel. La jeune-femme l'avale et commence une deuxième vie. Une vie dans laquelle elle n'est plus très humaine : plus de repos ni de repas, elle n'a besoin de rien. A-t-elle encore des sentiments ? Une âme ? En tous cas, elle garde un esprit bien ordonné. Merit est condamnée à voir vieillir ses proches. Un jour, elle décide de partir avec des hébreux qui fuient Ramsès II : voilà l'Exode raconté d'une tout autre façon que celle que la Bible a retenu. Notre immortelle héroïne s'attache dans un premier temps au pays de Canaan puis à mesure que les générations s'effacent, elle parcourt le monde connu. On la voit en Grèce ou à Alexandrie. Elle croise le chemin des plus grands penseurs, des prophètes et des rois comme celui des petites gens anonymes. Figurez-vous qu'elle devient la belle-mère d'Aspasie ! C'est quand même cool, non ? Et la meilleure pote de Rebecca. Et la conseillère de Ptolémée Philadelphe. Ce qui la pousse ? La curiosité, la soif de savoir, d'apprendre.

Plus qu'un roman historique traditionnel, ce livre propose d'explorer les origines de notre civilisation : mythes, religions, philosophies, etc. Les 500 pages se dévorent, portées par un style simple et efficace ainsi qu'une narration bien rythmée. Par ailleurs, Merit est un personnage attachant et ses rencontres sont souvent passionnantes. Un très beau voyage dans le temps avec Merit qui raconte son histoire à une de nos contemporaines...
Merci beaucoup à Albin Michel pour ce beau livre !

dimanche 22 décembre 2013

My fair lady

Au théâtre du Châtelet, la programmation des fêtes est très souvent enchanteresse. Ce fut le cas cette année encore avec cette comédie musicale fort sympathique et amusante. J'avais peur que l'image du film avec Audrey Hepburn ne vienne gâcher mon plaisir. Rassurez-vous, tout s'est très bien passé.

Pour ceux qui ne connaissent pas le plot, le voici : Eliza Doolittle est vendeuse de fleurs. Elle a un accent à couper au couteau. Faisant la sortie des théâtres, elle est remarquée par un linguiste qui note la moindre de ses fautes de grammaire... et de prononciation. Le professeur Higgins déplore l'absence d'apprentissage de leur langue par les anglais et déclare pouvoir reconnaître n'importe quel accent. Parmi ses fanfaronnades, il annonce qu'il peut faire passer Eliza pour une duchesse. Le voici pris au mot et un difficile apprentissage commence pour la jeune fille. Qu'adviendra-t-il en six mois de vie commune ? Je vous en laisse la surprise.

Sachez que dans cette comédie musicale, tout est drôle : chansons et personnages. Vous sortirez de la salle en fredonnant des airs. Bravo à Katherine Manley, qui campe une délicieuse Eliza, à Alex Jennings, brillant de prétention et de mauvaise foi masculine, à Donald Maxwell, le meilleur rhéteur et le plus grand bon vivant du Royaume-Uni ! Vous nous avez fait passer une excellente soirée, par vos interprétations chorales et scéniques.

Mea puchra puella


samedi 21 décembre 2013

Allegro Barbaro. Bela Bartok et la modernité hongroise 1905-1920

Je suis allée au musée d'Orsay et je n'ai pas vu les nus. Je me suis dit que mon expérience viennoise des hommes en tenue d'Adam m'avait suffi. Par contre, j'ai été attirée par les vives couleurs de l'affiche d'Allegro Barbaro.

Bela BArtok Orsay musee
Sandor Ziffer, Paysage d'hiver à la barrière, 1910
Dans chaque salle ou presque, Bela Bartok en fond sonore. L'idée ? Faire ressentir au visiteur l'ambiance créative des artistes hongrois du début du XXe siècle. Tout commence par des autoportraits, souvent très expressifs, à la touche et aux couleurs éclatantes. Dezso Czigany nous fige par son sérieux, son usage des couleurs et des contrastes. Puis l'on découvre l'attirance des jeunes artistes pour Paris où ils rencontrent notamment Matisse. De post-impressionnistes, ils basculent dans le fauvisme. Quelques nus peu académiques dans la salle voisine, pourquoi pas ? Puis, une salle sur le régionalisme. Là, c'est rigolo. On plonge dans le cliché et le folklore : habits traditionnels, vaisselle, mobilier, ont des faux airs de Russie tsariste. La salle suivante, qui m'a semblé la plus intéressante, montre les créations de ces jeunes peintres après leur apprentissage parisien, pétris d'influences et de créativité. Cela donne des œuvres plus "hongroises" en termes de sujets, dans un style fauve. J'y ai beaucoup aimé les oeuvres de Sandor Ziffer et de Imre Szobotka. 
La fin de l'exposition parle un peu plus de Bartok, que l'on ne fait que croiser pour ainsi dire. Il joue ses compositions lors de l'exposition du groupe des huit (Róbert Berény, Dezső Czigány, Béla Czóbel, Károly Kernstok, Ödön Márffy, Dezső Orbán, Bertalan Pór et Lajos Tihanyi) et il devient source d'inspiration pour les mouvements politiques radicaux tel l'activisme. Là, on se confronte à quelques peintures de l'avant garde qui plonge dans le cubisme ou l'expressionnisme.

Pour conclure, l'expo m'a fait découvrir des peintres que j'ignorais tout à fait et je suis plutôt heureuse de quelques belles rencontres. Par contre, je n'ai pas eu l'impression de beaucoup rencontrer Bartok. Son nom m'a semblé plus un prétexte qu'autre chose et j'en suis un peu déçue. Dans le même ordre d'idée, je crois que j'avais nettement préféré Mahler

vendredi 20 décembre 2013

Le printemps de la Renaissance : la sculpture et les arts à Florence, 1400-1460

Donatello renaissance florence louvre

Voilà une expo du Louvre qui vaut le détour, ne serait-ce que pour la qualité des œuvres exposées ! Amateurs de Donatello, vous ne serez pas déçus ! 

Tout commence, assez classiquement avec la redécouverte de l'Antiquité, le concours pour les portes du baptistère de Florence (Ghiberti et Brunelleschi) et le fameux dôme de Santa Maria del Fiore. L'esprit d'émulation est mis en avant : prophètes ou puttis, les artistes rivalisent entre eux et avec leurs prédécesseurs romains. On remarque la majesté du Saint Louis de Toulouse de Donatello, dont le vêtement est d'une plasticité étonnante. Et pourtant, je lui préfère l'expressivité du buste reliquaire qui précède.
On a ensuite un petit topo sur la figure du condottiere qui s'épanouit ailleurs qu'à Florence, trop républicaine pour ce modèle aristocratique. Le contexte florentin, terreau de cette Renaissance est à mon goût considéré de façon trop vague. D'ailleurs, l'ensemble des panneaux reste très "grand public" et ne fait pas découvrir grand chose. Heureusement, certains cartels rattrapent le niveau. Bref, d'un point de vue scientifique, j'ai trouvé l'expo un peu light. Mais il faut y aller pour les objets. On voit de ces magnificences qui donnent envie de parcourir l'Italie. Mention spéciale pour la salle qui traite des peintures sculpturales. Ah, les femmes et hommes illustres d'Andrea del Castagno ! Ah, l'étonnante vierge à l'enfant de Lippi conservée à Milan ! Mais le lien avec le reste du propos est un peu trop distendu ou évoqué de manière si schématique qu'on frôle le hors sujet. S'ensuivent des reliefs plus beaux les uns que les autres, évoquant la question de la perspective puis le motif de la vierge à l'enfant. Comme elle est belle cette Madone Pazzi ! Sans parler du Saint Georges de Donatello. 
L'expo se termine sur l'art hospitalier et le portrait. Ici aussi, attention, chefs-d’œuvres.

Pour résumer, voilà une exposition à voir pour la beauté de ses sculptures et peintures. Le parti pris thématique ne semble pas toujours très pertinent et la chronologie un peu lâche. Pas de considérations très scientifiques, on est dans le très accessible. J'espère que l'épais catalogue apporte un peu plus de questionnements. Mais côté éblouissement, on est sous le charme. Sans être une grande fan de la Renaissance, je ne peux qu'admirer cette belle créativité.

jeudi 19 décembre 2013

Angkor : naissance d'un mythe

Voilà une très belle exposition au musée Guimet qui revient sur la découverte d'une civilisation et d'un art en France à la fin du XIXe siècle. 

Angkor est redécouverte au milieu du XIXe siècle. Mais ce sont les missions de Louis Delaporte, qui pille littéralement le site, qui permettent de constituer des collections d'art khmer en France. L'exposition présente une partie de ces œuvres mais surtout des moulages réalisés sur le site, des dessins et des photos. La première partie traite des expéditions et de la collecte des objets. La seconde s'organise autour de leur découverte par le grand public lors des expositions universelles. La dernière montre comment les moulages ont permis de ré-élaborer des ensembles cohérents et constituent une documentation pour des sculptures ayant disparu. 

Cette exposition présente à la fois des originaux et des moulages. Il est intéressant de voir que ceux-ci ont longtemps été laissé à l'abandon et que leur valeur scientifique n'est reconnue que maintenant. Par ailleurs, cette visite fait voyager dans le temps et l'espace : on redécouvre Angkor alors que le site n'accueillait pas de touristes mais plutôt les bêtes de la jungle. Par ailleurs, les dessins de Delaporte sont exceptionnels même s'ils sont plus du domaine de l'imaginaire que de l'archéologie. Bref, l'ensemble est à voir, on regrettera simplement un enchaînement des parties un peu brouillon. 

exposition Angkor musee Guimet dessin

mercredi 18 décembre 2013

A triple tour

L'exposition d'une partie de la collection Pinault à Paris est un événement suffisamment rare pour qu'on ne boude pas le plaisir d'y passer. Las, quelle déception. C'est glauque, c'est noir, c'est malsain... 

Pistoletto prison A triple tourVous allez me dire qu'avec un thème comme l'enfermement, il ne fallait pas s'attendre à autre chose. Certes. D'ailleurs, c'est très cohérent avec l'emplacement de l'expo, la conciergerie. 
La scénographie nous met dans l'ambiance, une gigantesque grille de Pistoletto nous accueille. Oh, c'est un miroir. Me voilà derrière les barreaux. 
Puis deux salles suivent, l'une avec des projections d'une nature tantôt calme, tantôt déchaînée... dont le titre nous donne le sens, l'autre avec des têtes bâillonnées qui murmurent. Brr... Franchement, le rendu est très bon mais alors qu'est-ce que ça met mal à l'aise !

Dans les salles suivantes, il faut noter la vidéo de Bertille Bak, où des habitants protestent contre la destruction de leur immeuble en jouant une symphonie à la lampe-torche. Le reste n'a pas retenu mon attention.
Puis, on passe dans un espace plein de fauteuils roulants. Qu'est-ce donc ? Une visite de personnes âgées ? Presque, ce sont des personnages politiques, âgés, sur des fauteuils roulants, qui se déplacent dans la salle selon une curieuse ronde. Trop réaliste pour ne pas faire peur, surprendre. Là, c'est plus simple. Sun Yuan et Peng Yu parlent de l'enfermement du corps, qui touche même les plus puissants. De la mortalité des hommes. On est presque sur une vanité.
En face, une salle de projection à deux écrans : d'un côté, La passion de Jeanne d'arc, de l'autre, les témoignages de femmes enfermées dans un asile australien. Là aussi, l'idée de Javier Tellez est intéressante. Mais est-ce de l'art, de la psycho ou de la socio ? 
La suite m'a moins marquée, à l'exception d'une grande chambre d'hôtel : là tout est dans le titre. Et c'est tellement premier degré que c'est agaçant. Et sur la fin, une autre vidéo m'a troublée : celle d'un enfant qui sourit, bizarrement, avant qu'on ne comprenne pourquoi...

Bref, cet ensemble est à la fois dérangeant (ce qui est plutôt bien) et malsain (ce qui l'est moins). Tout n'est pas à jeter dans cette exposition mais je ne suis pas certaine qu'elle vaille le détour.


mardi 17 décembre 2013

Concours des 7 ans, le résultat !

J'organisais pour les 7 ans du blog un concours qui vous permettait de gagner des livres. Pour cela, rien de plus simple, il suffisait de me conseiller un livre que je n'avais pas lu.

Valériane a recommandé Misery de S. King
Passi0n-lectur3 a proposé Elle s'appelait Sarah de T. de Rosnay
Maryline a suggéré La claire fontaine de D. Bosc
Bandedelittéraires a eu envie de me faire découvrir La Batarde de V. Leduc

Et les gagnants sont...

Valériane, Maryline et Passi0n-lectur3 !

Il ne vous reste plus qu'à m'envoyer votre adresse postale par email à piti.butterfly@gmail.com.

anniversaire birthday princesse

La couleur de nos souvenirs

J'ai beaucoup lu Michel Pastoureau pendant mes études. Je le trouvais passionnant. Eh bien, il en est de même avec ce livre aux allures d'autobiographie. 

A partir de souvenirs, d'enfance ou d'adulte, Michel Pastoureau digresse (pour notre plus grand plaisir) sur l'histoire des couleurs. Pourquoi a-t-il ajouté à une citation une couleur ? Pourquoi le bleu marine n'est pas un bleu violine ni un noir ? Ce qui est extra, ce sont les explications qui émaillent le roman. On apprend beaucoup sur le vêtement, sur l'uniforme, sur les voitures (rouges) et les vélos (jaunes). Il est aussi question de cyclisme et de rugby. De bonbons dans le métro. D'or sur les tableaux. De beige Mitterrand. De photos couleurs ou noir et blanc. Des voyelles de Rimbaud. D'héraldique. De couleurs qui portent malheur. De petits cochons roses et bruns. 

L'ensemble se lit comme un roman ou plutôt comme une suite de nouvelles. Chaque histoire apporte son lot de nouvelles connaissances. Le tout, selon un rythme vif et une plume alerte. Un très chouette ovni littéraire !


couleur-souvenir

lundi 16 décembre 2013

La femme d'un homme

Merci au Livre de poche qui m'a permis de lire en avant première ce roman de Harrison. Celui-ci étant annoncé comme un best-seller, j'étais un peu méfiante. Et puis je l'ai ouvert. Et je ne l'ai pas lâché avant d'être arrivée au bout. C'est plutôt bon signe. 


L'histoire pourrait être des plus banales. Todd aime sa femme, Jodi. Mais il aime les femmes. Jodi aime Todd. Mais elle aime son confort. Au fil des chapitres nommés "elle" et "lui", on les voit vivre leur vie. 
Jodi est psy. Elle reçoit ses patients, cuisine et aime sa vie bien ordonnée. 
Todd est entrepreneur, il apprécie boire, aimer et paraître. 
Tout se grippe parce que Todd s'est engagé dans une relation avec une jeune fille, Natasha. Celle-ci le pousse à l'action. Mais Todd agit sans qu'on ait l'impression qu'il gère quoi que ce soit... L'engrenage se met en place. Pris entre deux feux, le voilà vite complètement débordé. On suit son existence qui se dérègle. Et l'on découvre le passé des deux personnages.

Sans vous en dire plus sur le plot, et pour que vous gardiez la surprise, je vous conseille de ne pas lire la quatrième de couverture, un peu trop suggestive. Sachez simplement que sous son apparente banalité, ce roman impose une légère angoisse, une tension à son lecteur, celle du thriller. Bien mené, facile à lire, il ne laisse pas le temps de se poser des questions : il faut tourner la page pour connaitre le dénouement !

dimanche 15 décembre 2013

Le livre des morts

J'avais repéré ce livre de Glenn Cooper sur les blogs il y a quelques années. Il faisait le buzz ! Je me méfie un peu de ce genre de phénomène mais, à tout hasard, j'ai noté le titre. Et le trouvant en bibliothèque, j'ai pu me faire mon propre avis sur le roman.

A New-York, un tueur en série semble sévir. Il envoie à ses victimes une carte ornée d'un cercueil et d'une date, celle de sa mort. Will Piper, un agent du FBI, se voit confier l'affaire à quelques mois de sa retraite. Et autant vous dire qu'il galère. Les victimes n'ont rien en commun, les morts sont toutes différentes : pas de logique apparente dans le mode opératoire.
Parallèlement à cette histoire, on voyage dans le temps : on trouve les racines de cette affaire à la fin de la Seconde Guerre mondiale mais aussi au VIIIe siècle, sur l'île de Wight. 

A vrai dire, dès qu'on découvre ce qui se passe à Wight, on comprend les tenants et aboutissants de l'affaire qui ne reste donc pas insoluble jusqu'au bout. Néanmoins, le polar est agréable s'il n'est pas redoutablement efficace. Will est sympathique, Nancy, sa collègue, est une petite nana dynamique, et les autres... Vous les découvrirez vous-mêmes. Un livre divertissant qui ne révolutionne pas le genre. 

mort-livre

samedi 14 décembre 2013

L'invention du vieux Paris

C'est à partir de sa thèse que Ruth Fiori a publié cet ouvrage très érudit sur la naissance d'une conscience patrimoniale à Paris. 
paris-tourelle-patrimoine

Tout commence au XIXe siècle, alors que Paris semble devoir se transformer. Les bâtiments médiévaux, auparavant dédaignés, semblent soudain prendre une dimension historique forte. Ils ne sont plus simplement des édifices sombres et inintéressants. L'élément le plus visible de ce retournement des valeurs est la description de Paris par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris : on peut aimer ce vieux Paris et craindre qu'il ne disparaisse. Cela vous parait certainement logique mais pensez qu'à l'époque, c'est la modernité qui primait et que l'on se moquait éperdument des vieux machins foutus. On voit dans cette même mouvance se créer les premiers groupements patrimoniaux parisiens comme la Société des Amis des Monuments parisiens en 1885. Il existait bien sûr des sociétés d'archéologies depuis le début du XIXe siècle mais aucune n'avait pour spécificité la sauvegarde du vieux Paris. 

A travers plusieurs cas de démolition programmée, l'auteur montre combien cette société savante cherche à protéger les monuments parisiens selon les critères qui sont bien ceux de son époque. Ainsi, tout ce qui vient après le Moyen Age n'est d'abord pas regardé. Les membres de ces associations cherchent à empêcher les disparitions des bâtiments par divers moyens : pressions sur l'Assemblée nationale, mobilisation populaire, usage de la presse, incitation à l'achat d'édifices par la ville, etc. Cette association a voix au chapitre car elle se pose comme spécialiste des questions artistiques et historiques. On voit d'ailleurs que leurs interventions sont de plus en plus efficaces et que le patrimoine devient presque une mode à Paris. Enfin, ce livre s'intéresse à la question de l'esthétique : Paris doit conserver ses jardins et ne pas les lotir, les avenues doivent conserver une hauteur données et les propriétaires ne devraient pas pouvoir ajouter des étages qui défigurent des alignements, etc. Paris se pose comme la capitale du beau et est souvent opposée au nouveau monde et ses gratte-ciel : plus que de simples monuments, ce sont des sites entiers qui doivent être conservés. 

Ce livre est tout à fait intéressant pour qui aime Paris et son patrimoine. Il décrit très précisément l’avènement du regard patrimonial et nous fait entrer au cœur des débats qui ont présidé à sa constitution. Il propose également des interprétations sur cette "course au beau" : n'est-ce pas parce que la France sort affaiblie du conflit de 1870 et qu'elle perd sa primeur économique qu'elle se réfugie dans le beau ? Une question qui mériterait d'être creusée au regard de l'actualité...

vendredi 13 décembre 2013

Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien suivi de L'Amour Absolu

J'ai lu il y a bientôt 10 ans Ubu. J'ai souvenir d'un agacement à la lecture des différents romans d'Alfred Jarry. Étrange. 

psyche-etrange


Pas de réel agacement à cette nouvelle lecture de Jarry. De la fascination. Pour cette langue, ce vocabulaire et ces personnages qui traversent Paris en bateau, lequel aborde sur des îles variées. Chacune est dédiée à un ami, un écrivain ou un voyageur. Et ces hommes en bateau, qui sont-ils ? Faustroll, pataphysicien. Bosse-de-nage, singe pontifiant ponctuant les phrases de "haha". Panmuphle, huissier. 
Je ne prétendrai pas avoir tout saisi de cette lecture qui joue avec les mots et l'absurde, qui traverse un Paris onirique et s'intéresse à la surface de Dieu. Toutefois, j'ai trouvé la lecture agréable quoi que complexe. 

Quant à l'Amour absolu, c'est encore moins compréhensible. On est au delà du rabelaisien, on est dans l'ubuesque. Figurez-vous que cela ressemble à une histoire bien connue, ne serait-ce que par le nom du personnage, Emmanuel Dieu. Le début qui présente Joseph et Miriam confirme cette impression. Même si le cadre annoncé est celui d'une prison. Et puis, les aventures d'Emmanuel Dieu prennent un tournant... et là, je suis restée paumée !

Bref, Jarry c'est loin d'être facile mais c'est drôlement bien écrit. Et ça fait très avant-gardiste !

jeudi 12 décembre 2013

Bérengère Krief

Nous passons devant le Grand Point Virgule régulièrement. Mais jamais nous nous avions pris de billet. Voilà qui est réparé : nous avons pu applaudir la charmante Bérengère Krief !

C'est d'abord l'affiche qui a retenu mon attention : mais, que fait-elle à ce Ken ? Puis, j'ai réalisé que c'était la nana de Bref. Et là, je ne me suis plus trop posé la question de savoir si ça allait me plaire ou pas : ma curiosité éveillée, j'ai pris des places.

Tout commence par une scène très parisienne : la nana à la bourre, qui se change pour aller à un rendez-vous, et qui fait croire qu'elle est déjà dans le métro. C'est le teaser idéal pour les mecs - ça débute avec une fille nue (ou presque) - et pour les filles - "on dirait moi". Et nous voilà partis pour une soirée d'humour, souvent très parisien, très quotidien.

La belle blonde met aussi le doigt sur nos travers féminins (et parfois masculins) et c'est bien vu. Elle vous parle de chocolat, de chorégraphies devant le miroir, de faits divers terribles, de personnalités... L'ensemble est vif, sympathique, enlevé. On passe du gros rire au sourire complice. Bref, il y en aura pour tous les goûts !
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mardi 10 décembre 2013

En solitaire

Voilà un film peu causant pour les amoureux de la mer et de la voile (dont je suis). 

François Cluzet campe le fier Yann Kermadec, skipper du Vendée Globe. Sur son bateau aux couleurs de la DCNS, il file. Un safran abîmé l'oblige à perdre deux jours en réparations. Le voilà dernier de la course. Il tente de rattraper son retard. Mais un nouvel élément vient le perturber : un passager clandestin. Yann continue à rattraper les autres voiliers, espérant débarquer le jeune garçon dès que possible. Mais c'est sans compter sur les aléas de la compétition : le climat et les vagues bien sûr, mais aussi un concurrent perdu en mer, etc. 

L'ensemble est un joli film, surtout pour les fan de navigation. Hélas, les seconds rôles n'apportent pas grand chose : la copine (V. Efira) et la fille du navigateur sont mignonnes mais on se fiche un peu de connaitre leurs relations. Et puis, le héros est un peu trop parfait, c'est la marin bourru au grand cœur, qui reste juste jusqu'au bout. Ce film m'a rappelé une lecture que j'avais adoré : Du vent dans les rêves, d'E. MacArthur !


jeudi 5 décembre 2013

Se distraire à en mourir

N'ayez pas peur, le titre de cet essai de Neil Postman est plus incisif que son contenu. Je ne sais plus sur quel blog je l'ai repéré mais c'était une bonne pioche !

Organisé en deux parties, ce livre s'interroge sur la dégénérescence intellectuelle que crée la télévision par rapport au livre. En premier lieu, Huxley et Orwell introduisent le propos. Il est désormais acquis qu'Huxley était plus clairvoyant qu'Orwell : le totalitarisme qui interdit et entrave ne domine pas le monde même si la surveillance et les moyens de pister les hommes rappellent Big Brother. Par contre, le divertissement est bien à l'ordre du jour. Ce divertissement nous dit Postman, c'est la télévision. 

En premier lieu, Postman indique combien le média crée le discours. Le mode de communication influe sur le contenu même de ce qui est communiqué. Ainsi, les langues participent à l'élaboration de diverses compréhensions du monde, de même que l'horloge a rendu obsolète le rythme des saisons.
Puis l'auteur s'intéresse à ce qu'était le discours au XIXe siècle dans un jeune continent très friand de livres. Il indique qu'en plus des lectures, les américains appréciaient les conférences et débats construits autour d'intellectuels maîtrisant parfaitement l'art oratoire : phrases longues et élaborées, usage de subordonnées, bref, tout ce que l'on vous déconseille de faire maintenant. Postman postule que la pensée fonctionnait alors comme le livre, favorisant l'utilisation de concepts et leur exposition dans de longues discussions. 
Pour lui, le télégraphe puis la photographie et la télévision ont permis de gommer les distances et le temps, permettant la multiplication d'informations et la reproduction du monde à l'identique. Ce nouvel usage de l'image qui vient remplacer le texte par sa force évocatrice apparaît notamment dans la presse et la publicité. Elle contextualise une information qui n'a souvent plus aucun intérêt, une information que l'auteur relègue aux mots croisés et au Trivial Pursuit. L'information, multipliée, illustre un monde de l'éphémère, sans cohérence, voué au divertissement.

La seconde partie du livre s'interroge sur la façon dont la télévision façonne notre mode de pensée, notre façon de lire le monde et d'agir. Il vise à faire prendre un peu de recul au lecteur. Il nous met en garde : la télévision permet d'accéder à une culture mais la normalise selon ses critères, à savoir l'éphémère et le divertissant. Tout notre monde doit alors être divertissant : apprendre à l'école doit être plaisant, un politicien doit être charmeur. Quel besoin d'avoir un discours et des arguments ? Ce qui passe bien à la télévision, c'est un physique flatteur et l'impression que dégage le politicien. Il doit être acteur plus qu'orateur. Et doit de préférence achever son adversaire d'un bon mot. 
Postman traite ensuite des émissions religieuses. Rien de sacré dans ces shows, pas de condamnations, pas de dogmes mais plutôt des propos anodins. Ce qui diffère grandement de la réalité des pratiques religieuses et crée un fossé entre la version télévisée et la version réelle d'un culte. Comment survivre devant cette version divertissante à moins de se rendre plus divertissant que la télévision... et risquer de perdre sa vocation ? 
Il est aussi question de la juxtaposition des informations : le passage en quelques minutes d'un sujet à l'autre ne permet pas de compréhension des faits, ni leur mémorisation. Par ailleurs, toutes ces actualités sont mises sur le même plan : guerre, grèves, découvertes, sorties ciné, prix littéraire... Trois minutes pour un sujet et voilà déjà le suivant. Comment organiser ces informations par ordre d'importance ? 
Enfin, l'auteur conclut sur le rôle éducatif de la télévision pour les jeunes gens. Occupant une grande partie de leur temps, les programmes éducatifs ne sont rien d'autres qu'une activité divertissante. La télévision ne nécessite pas de connaissances préalables, présente des faits qu'elle n'invite pas à remettre en question et les met en scène sous forme d'histoires. Parallèlement, Postman signale des tentatives pour faire de l'école un lieu où apprendre en s'amusant. Il critique violemment cette tendance comme la mort de la réflexion.
Que propose l'auteur ? De questionner notre rapport aux médias, de prendre du recul. Il ne condamne pas à proprement parler la télévision mais invite à ne pas tout comprendre par son prisme. 

Une lecture très intéressante qui peut aujourd'hui être actualisée dans notre rapport à Internet. L'outil favorise également le zapping, la brièveté, l'amusement... mais ne fait pas beaucoup fonctionner nos neurones. Bref, continuez à lire ! Et à cogiter !


mercredi 4 décembre 2013

L'Unité

Merci au Livre de poche pour cet envoi du premier roman de Ninni Holmqvist.

Imaginez une société qui classerait ses membres. Les uns seraient nécessaires, les autres superflus. Les premiers sont médecins, professeurs ou agriculteurs. Ils sont parents. Les seconds sont les artistes, les travailleurs du tertiaire. Ils sont célibataires et sans enfants. Leur vie se déroule de manière similaire jusqu'à 50 ans (pour les femmes) et 60 ans (pour les hommes).A cet âge les superflus sont envoyés dans des unités : ils sont alors des matériaux pour la recherche médicale. On teste des médicaments sur eux, on les fait participer à des expériences de psycho et surtout on utilise leurs organes pour soigner la population nécessaire. Dorrit est l'une de ces femmes de 50 ans qui débarque dans l'unité. Et nous l'accompagnons pendant tout son séjour...


Voilà un roman de science-fiction qui fait froid dans le dos. Tout parait très semblable à notre monde, à l'exception du traitement infligé aux plus de 50 ans. Le livre est bien mené, la plume est alerte, les idées ne sont pas mauvaises, Dorrit est attachante... l'ensemble constitue un bon divertissement !

mardi 3 décembre 2013

Hunger Games : L'embrasement

Ce billet prend le parti pris du film : on ne va pas vous réexpliquer ce qu'il s'est passé dans l'épisode 1 ! Pour le livre, c'est ici, pour nos impressions sur le premier film ça se passe

Jennifer Lawrence, un oscar en poche, revient incarner Katniss Everdeen dans la transposition cinématographique du second tome de Hunger Games. Et autant vous le dire tout de suite, quel bonheur ! 

J'ai trouvé ce film admirable en tous points. D'une, malgré le temps limité dont il dispose (2h pour adapter un bouquin de près de 400 pages !) le réalisateur réussit à nous entraîner suffisamment en profondeur dans la psychologie des personnages. La complexité des sentiments qui les anime, en particulier dans les dilemmes auxquels doit faire face Katniss, est extrêmement bien rendue. 

DR
Les aspects du livre sur lequel  le film s’appesantit ont été également choisis avec soin : on voit la révolte qui gronde, l'absurdité grandissante de ces jeux, la complexité des relations entre Gale, Katniss et Peta... L'essentiel est là, et une grande cohérence a été conservée dans l'enchaînement des séquences. Ce qui fait que, au contraire de certains Harry Potter qui donnaient l’impression d'être une concaténation d'évènements, la narration de Hunger Games est très fluide. On se laisse complètement happer par l'histoire, même quand on la connaît déjà !

Si vous n'avez pas lu le livre mais que vous avez vu le premier film, préparez-vous à rester cramponné à votre siège pendant deux heures. Car du suspense, il y en a à revendre dans le livre, et il est très bien conservé dans le film - à condition de ne pas aller voir les bandes-annonces sur AlloCiné :)

Je ne sais que vous dire de plus à part : courez-y !

dimanche 1 décembre 2013

Le meilleur des mondes

Sylire et Lisa nous ont proposé de lire ce roman bien connu d'Aldous Huxley pour cette session du Blogoclub. Au début, j'ai un peu rechigné. Après tout, j'avais déjà lu ce livre au collège, quel intérêt de le relire ? Et puis, je l'ai rouvert. Et le charme a opéré, comme la première fois...


Tout commence avec un groupe d'étudiants en visite au Centre d'incubation et de conditionnement de Londres-Central. On découvre avec eux la naissance des êtres humains en flacons (les mots "parents", "père" et "mère" sont devenus des grossièretés) et leur conditionnement à mesure qu'ils grandissent. La société est organisée en castes, des plus intelligents aux moins intelligents, des Alpha plus aux Epsilon moins. Tous sont conditionnés pour être heureux de leur sort. Si les Alpha ont des métiers scientifiques, les Epsilon travaillent à la chaîne. Vous aimez votre métier, vous avez du temps pour les loisirs et vous jouissez de toute la liberté sexuelle que vous souhaitez. Et si jamais vous aviez l'impression de ne pas nager dans le bonheur, le soma vous y conduit : "Un gramme à temps vous rend content". Néanmoins, certains Alpha s'interrogent : Bernard Marx voudrait être libre. Quelle idée ! se dit Lenina, notre jolie héroïne, une fille "pneumatique". Au cours d'un week-end, les deux amants rencontrent un "sauvage". Lequel est ramené à Londres et exhibé... C'est le choc des cultures ! 

Il est étonnant de voir que ce roman n'a pas pris une ride. Certes, les totalitarismes ne semblent plus à l'ordre du jour. Mais on est rentré complètement dans une société du loisir. Quant à la liberté sexuelle, cela fait plus de cinquante ans que celle-ci a explosé. Si le contraste entre le sauvage et la civilisation est caricatural et n'apporte finalement pas énormément au livre, la civilisation imaginée reste crédible. Bon, on aurait pas assez d'essence pour avoir tous un hélico mais en ce qui concerne le soma, pas d'inquiétude, il est omniprésent : c'est la série/le match qu'on regarde, c'est le temps qu'on passe sur les réseaux sociaux, c'est tout ce qui nous empêche de penser et nous divertit... Ce roman d'anticipation permet de réfléchir à ce qui donne sens à la vie des personnages : si Lénina entre dans le moule, elle découvre aussi qu'elle peut avoir des sentiments comme la frustration, le dégoût voire la passion. Bernard est à la recherche d'un absolu (et de la gloire). Helmholtz, de la beauté. Le sauvage, John, conditionné par Shakespeare et aux faux airs de Candide, veut la vérité, l'authenticité... Las, Huxley nous laisse assez peu d'espoir sur chacun de ces sujets. Car pour avoir le bonheur, il faut être prêt à faire des sacrifices.

Ce livre résonne aussi de façon particulière par rapport à une de mes lectures actuelles (oui, je lis plusieurs livres en même temps, honte sur moi) : Se distraire à en mourir dont je vous parlerai bientôt !