C'est à partir de sa thèse que Ruth Fiori a publié cet ouvrage très érudit sur la naissance d'une conscience patrimoniale à Paris.
Tout commence au XIXe siècle, alors que Paris semble devoir se transformer. Les bâtiments médiévaux, auparavant dédaignés, semblent soudain prendre une dimension historique forte. Ils ne sont plus simplement des édifices sombres et inintéressants. L'élément le plus visible de ce retournement des valeurs est la description de Paris par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris : on peut aimer ce vieux Paris et craindre qu'il ne disparaisse. Cela vous parait certainement logique mais pensez qu'à l'époque, c'est la modernité qui primait et que l'on se moquait éperdument des vieux machins foutus. On voit dans cette même mouvance se créer les premiers groupements patrimoniaux parisiens comme la Société des Amis des Monuments parisiens en 1885. Il existait bien sûr des sociétés d'archéologies depuis le début du XIXe siècle mais aucune n'avait pour spécificité la sauvegarde du vieux Paris.
A travers plusieurs cas de démolition programmée, l'auteur montre combien cette société savante cherche à protéger les monuments parisiens selon les critères qui sont bien ceux de son époque. Ainsi, tout ce qui vient après le Moyen Age n'est d'abord pas regardé. Les membres de ces associations cherchent à empêcher les disparitions des bâtiments par divers moyens : pressions sur l'Assemblée nationale, mobilisation populaire, usage de la presse, incitation à l'achat d'édifices par la ville, etc. Cette association a voix au chapitre car elle se pose comme spécialiste des questions artistiques et historiques. On voit d'ailleurs que leurs interventions sont de plus en plus efficaces et que le patrimoine devient presque une mode à Paris. Enfin, ce livre s'intéresse à la question de l'esthétique : Paris doit conserver ses jardins et ne pas les lotir, les avenues doivent conserver une hauteur données et les propriétaires ne devraient pas pouvoir ajouter des étages qui défigurent des alignements, etc. Paris se pose comme la capitale du beau et est souvent opposée au nouveau monde et ses gratte-ciel : plus que de simples monuments, ce sont des sites entiers qui doivent être conservés.
Ce livre est tout à fait intéressant pour qui aime Paris et son patrimoine. Il décrit très précisément l’avènement du regard patrimonial et nous fait entrer au cœur des débats qui ont présidé à sa constitution. Il propose également des interprétations sur cette "course au beau" : n'est-ce pas parce que la France sort affaiblie du conflit de 1870 et qu'elle perd sa primeur économique qu'elle se réfugie dans le beau ? Une question qui mériterait d'être creusée au regard de l'actualité...
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