Merci aux éditions Au diable Vauvert et à Libfly pour l'envoi de ce roman de Pierre Bordage dans le cadre de la voie des indés.
Imaginez un enfant, sans souvenir, qui, une nuit, apparaît brusquement dans le métro parisien face à un clochard imbibé de vin. Jolie entrée en matière dans un monde qui ressemble furieusement au nôtre. A mesure de ses déplacements sur les ailes du vent (il sait parler à la matière), notre enfant, appelé tour à tour Théo ou Moïse, découvrira la tristesse, la peur, l'argent, la mort... Il plonge dans un monde où les hommes ont oublié leur liberté de faire des choix, dans lequel chacun est plus poussé vers la mort que vers la vie. Mais notre héros sait voir les sources d'amour et de joie dans chacun. Oui, oui, il lit plus ou moins dans l'âme de ceux qu'il croise. Par ses mots plein de vérité, francs et naïfs, il trouble ses interlocuteurs : il voit les maladies que l'on se cache, la peur et le désir des femmes transformé en haine de celles-ci, l'orgueil de savoir et la science qui dissimulent parfois l'ignorance... Bref, il perce à jour nos petites carapaces, nos fuites, nos mensonges.
Et il décide d'agir : il fait taire les armes pendant sept jours, une trêve qu'il veut mettre à profit pour rencontrer les chefs des hommes et, pourquoi pas, leur apprendre la paix...
Mais lorsqu'on est un enfant dans notre monde étrange, qui nous écoute ? Un enfant, c'est suspect. Rester seul avec un enfant, c'est déjà presque de la pédophilie. Croiser un enfant dans une rue, c'est qu'il a des parents inconscients, qu'il a été enlevé, agressé ou qu'il est autiste, fou ou triso. Outre la violence et la tristesse de notre monde, Pierre Bordage souligne l'absence de place laissée aux enfants. Et pourtant, ils sont les seuls êtres à se livrer naïvement à la joie, à la confiance et à l'amour.
On est ici dans la grande tradition du Petit prince qu'avait déjà ré-exploité et affadi Petite Plume. Ce conte est ici très ancré dans notre temps, notre monde et nos réalités. Il est en cela moins puissant que le livre de Saint-Exupéry. Si notre héros se défend d'être un messie, ses paroles et ses actes font de lui un être messianique. Seulement, il n'a pas de mission, il ne sait pas ce qu'est sa mission. Il erre, il cherche, et nous avec lui.
Cette lecture fut celle d'un conte : rien de plus efficace que de voir le monde à travers les yeux étonnés d'un enfant perdu. Mais je ne suis pas sûre que ce conte soit très optimiste et, sans vous raconter la fin, elle m'a un peu perturbée, voire déçue. Je sors avec une impression mitigée de cette lecture. J'ai l'impression que cette fin allait à l'encontre de tout ce que je venais de lire. Si quelqu'un a une explication à me donner, je suis à l'écoute !
Ce genre de lecture a ceci de salvateur qu'elle nous rappelle combien la vie pourrait/devrait être simple et belle. Quel meilleur exemple que cette famille indienne qui n'a pas grand chose mais qui rayonne ? Cette histoire est empreinte des philosophies de la connaissance de soi "Gnothi seauton" et de la maîtrise de soi. Elle invite à se défaire de ses peurs et de ses lâchetés, à suivre son chemin. Et en cela, elle est un bel appel à l'espérance.
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