C’est ma première lecture d’un roman de Gaëlle Josse. Je
crois que ce ne sera pas la dernière. A travers ce récit à trois voix, entre
Georges de La Tour, son apprenti et une jeune femme, nous plongeons dans l’art
et la passion qui dévorent. Au cœur du livre, un tableau du maître, Saint
Sébastien soigné par Irène. C’est autour de lui que se nouent les récits et les
souvenirs.
De l’idée du tableau à sa présentation à Louis XIII, nous
voilà aux côté du peintre Georges de La Tour, dans sa maison de Lunéville, avec
sa famille et son jeune apprenti. Autour d’eux, c’est la guerre, la peste et la
famine mais rien ne transparaît ou presque dans le cocon de l’atelier de
l’artiste. Il y a du feu dans la cheminée, des pigments ocres et bordeaux.
La découverte du tableau dans le musée de Rouen, par une
femme entre deux trains, lui évoque les souvenirs d’un amour intense, violent
et malade. La passion pour un homme blessé comme le saint, sur lequel elle
s’est penchée, s’oubliant dans la tâche d’aimer et de soigner le blessé.
Jeu d’ombres et de lumière, récit entrelacé de sensibilité
et de finesse, c’est une joie de lectrice que de découvrir de tels
trésors !
« La capacité d’oublier est peut-être le cadeau le plus précieux fait aux hommes. C’est l’oubli qui nous sauve, sans quoi la vie n’est pas supportable. Nous avons besoin d’être légers et oublieux, d’avancer en pensant que le meilleur est toujours à venir. Comment accepter sinon de vivre, sidérés, transis, douloureux, percés de flèches comme cet homme qu’une femme aimante tente de soigner ? »
« Ce regard. C’est ainsi que nous devrions nous y prendre avec les autres, avec cette attention de dentellière penchée sur son carreau, à regarder naître son motif sous ses doigts, et rien d’autre »
« Si l’amour ne s’accompagne pas d’une totale confiance, il n’est pas. Il est aventure, parenthèse, emballement, caprice, arrangement, plaisir, loisir. Croire en l’autre suppose l’abandon de nos résistances, de notre défiance. Don total qu’on veut croire réciproque. Si, à l’instant de la rencontre, cela n’est pas, nous ne savons pas aimer. Si notre voix ne vacille pas, ne tremble pas, comme tout notre être vacille et tremble, nous ne savons pas aimer »
« J’ai passé le week-end seule, au milieu de ce que j’aimais le plus au monde, et tout cela n’avait plus de sens. J’étais expulsée de mon propre paradis, parce que je ne pouvais le partager avec toi, et que tu ne désirais pas le connaitre »