mercredi 18 février 2009

Le deuxième sexe II


Le deuxième tome est plus personnel et plus touchant. Il faudrait faire lire cela à toutes les adolescentes. Et aux hommes. C'est criant de vérité, c'est beau, c'est effroyable, ce texte fait réagir !

Simone décrit les étapes de la vie d'une femme, sa finitude dans la sexualité. Entendez sa soumission à un corps qui saigne, qui enfante et qui se tait. C'est assez effrayant à certains moments. Et ça vous ferait presque regretter d'être une fille. Revenons en au livre. Avec son style toujours agréable, précis et efficace, Simone nous conte l'enfance, l'adolescence (particulièrement traumatisant et résonnant toujours fortement en moi, peut être parce que ce n'est pas si loin) et toutes les névroses qui s'y développent, le mariage et le choc de la sexualité (viol plus ou moins consenti pour chacune, ouf, j'ai l'impression que l'éducation a changé ça), la maternité et l'immense ennui de la femme qui tient sa maison, l'âge venant son impression d'avoir raté sa vie et d'être incomprise, bref, tableau peu engageant. Et puis il y a du docteur Freud et des secrets malsains qui empoisonnent à tous ces moments. Vieilli sur l'interprétation mais pas toujours sur la description. Puis vient l'analyse de divers traits de caractère : amoureuse, narcissique ou mystique, les excès considérés comme féminins sont explicités. La toute fin propose des solutions ou plutôt une solution : le travail comme indépendance, l'éducation, sexuelle en particulier, comme prévention des chocs des passages à l'âge adulte puis à la vieillesse. Bref, l'indépendance féminine passe par son initiative personnelle et pas celle de ses parents. Et bien sûr, par la révolution soviétique. Car la politique n'est pas absente de ce petit (non, épais en fait) manifeste. Cela pouvait encore paraître vrai à l'époque. Rappelons que Lénine s'est penché sur la question des femmes, que les russes votent plus tôt que les autres occidentales, qu'elles peuvent choisir leur sexualité (avortement) et qu'elles sont encouragées au travail. MAIS c'est valable pour le début du siècle et Staline change la donne. ET l'URSS avait un taux d'avortement démentiel, de l'ordre de 6 ou 7 par femme ! Mais bon, libération par le travail et égalité avec l'homme (sans trop heurter son amour propre non plus) sont les voies de l'autonomie féminine et féministe. Vision un peu bourgeoise, non ? Je doute que l'ouvrière se sente libérée par son travail. Demain, quelques questions sur cette lecture, réactions et autres inquiétudes.

Pour le premier tome, c'est ici.

12 commentaires:

  1. Asservissement au paterfamilias ou au grand Kapital, apatride et sans visage? Effectivement, là est toute la "kestion"...

    Je prends donc rendez-vous avec votre prochain billet!

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  2. C'est exactement l'une de mes questions. Mais après tout, pourquoi la femme aurait elle besoin d'être libre ?!

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  3. "Mais après tout, pourquoi la femme aurait elle besoin d'être libre ?!"

    J'avoue ne pas comprendre très bien cette question ... Penses-tu que les chaînes, le fait d'être complètement dépendant de quelqu'un sont plus enviables qu'une liberté qui, si elle n'est peut-être pas facile tous les jours, n'en est pas moins active ? Enfin, j'avoue être assez surprise de ta question :)

    Nibel

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  4. Au contraire: la question de la maîtresse de céans est fort pertinente... et s'applique également à l'homme.

    @Nibelheim: s'occuper d'un ménage en tant que personne au foyer, c'est aussi être actif... ô combien!

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  5. Chère Nibelheim, ne sois pas choquée, c'est une plaisanterie. Mais je me pose quand même des questions. Car la condition féminine n'est pas à toute époque et dans tout milieu social un livre noir. Elle a certainement eu une vie aussi agréable que les hommes, pense à ces demoiselles qui géraient leur domaine à l'époque mérovingienne. Elles n'étaient pas très nombreuses mais pouvaient mener un armée, rendre la justice, bref, régner sur leur domaine comme un homme pour peu qu'elle n'ait ni frère ni mari ni père (ce qui n'était pas impossible, quelques cas en témoignent). Bref, ces demoiselles étaient libre de tout homme. Mais elles avaient d'autres obligations en contrepartie comme explicité au dessus. Je crois que l'un des problème de cette histoire de liberté est cultu(r)elle. Si la bible ne nous avait pas asséné depuis des siècles "Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et il dominera sur toi" et "A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain", on ne mélangerait pas l'asservissement des deux partenaires. Car l'asservissement de la femme au corps (enfantement etc) est intrinsèque. L'asservissement de l'homme au travail est de culture. Il n'est absolument pas constitutif de l'être masculin en tant que tel, si ?
    Après, je sais bien que pour vivre et patati et patata... mais cet asservissement au travail est celui de l'humain, pas de l'homme. Alors Simone me fait un peu rire car elle confronte deux données qui ne sont pas comparables. Certes, par son travail, la femme se libère de la tutelle économique de l'homme. Mais elle restera malgré tout soumise à sa propre finitude.
    Cher Daniel Fattore, je suis assez d'accord avec vous. J'imagine que tenir une maison n'est pas de tout repos. Reste que la considération sociale de ce type de tache demeure proche du néant. Et je me demande si ce n'est pas par zèle féministe. Comparons si vous le voulez bien la wonder woman française à l'allemande. La première ne lâchera pas son travail pour l'arrivée de énième enfant tandis que l'allemande le fera plus volontiers. En effet, travailler et être une bonne mère à des relents années 40... et Dieu sait combien les allemands portent encore les séquelles de ces années...

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  6. Ton raisonnement est très intéressant et très juste à un détail près et qui est justement au coeur de la problématique de Beauvoir et résumé par "On ne naît pas femme on le devient" : ce que conteste Beauvoir n'est pas la nature intrinsèque de la femme MAIS le fait qu'on veuille la résumer à ça, la définir comme femme par ça et uniquement ça. On ne définit pas un homme, un homme "est" comme une évidence, tandis qu'on se croit obligé, encore de nos jours de définir une femme, de la catégoriser "femme active", "mère au foyer", "femme célibataire", etc.

    Ce qu'explique Beauvoir c'est que tout ce qu'un homme peut faire culturellement, une femme peut le faire aussi si on lui en laisse la possibilité (et si elle en prend l'initiative) que cela soit libérateur ou aliénant est encore un autre débat...

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  7. Bien d'accord aussi avec ce que tu dis au début : on devrait enseigner ce livre... Tiens, si ça t'intéresse pour lire plus court et sur le même sujet mais écrit 25 ans plus tard (vers 1975 donc) :
    AINSI SOIT ELLE de Benoîte Groult.
    Et si tu veux lire sur le même sujet toujours et plus court encore et écrit dans notre millénaire :
    KING KONG THEORIE de Virginie Despentes (mais là, si tu es sensible au point de faire la grimace devant certaines idées de la mariée mise à nu, tu vas avoir un choc ;o) )

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  8. J'ai lu Despentes dans ma prime jeunesse et je ne crois pas recommencer. Mais merci pour le conseil.
    Certes, il est facile de définir la femme par sa nature et il est un peu facile de dire qu'on ne nait pas femme... Mais il n'empêche que cette fichue nature nous emmerde bien parfois et malgré tout nous limite. Pas d'un point de vue intellectuel etc mais par rapport aux hommes : une fille qui se fait agresser par un mec a-t-elle réellement une chance de le mettre KO ? Bon ok, je dérive totalement...

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    1. "une fille qui se fait agresser par un mec a-t-elle réellement une chance de le mettre KO ?", cette question n'est pas anodine et il ne sert à rien de nier la différence physique entre homme et femme. D'ailleurs, ce n'est pas ce que fait Simone de Beauvoir, mais une des thèses de son livre c'est que la situation de la femme dans la société n'est pas une conséquence de sa condition physique mais de sa condition culturelle (historique, mythique, etc). Le premier tome commence d'ailleurs pas une énumération précise et documentée des différences physiques entre hommes et femmes.

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    2. Tout à fait. Et c'est malin de sa part de commencer par là. C'est en effet le plus évident mais pas forcément le plus déterminant.

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  9. A lire sur le même thème l'essai critique de Suzanne Lilar "Le malentendu du deuxième sexe".

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