Sous-titré "Les Maîtres anciens et l'essor des expositions", ce livre de Francis Haskell aborde l'histoire des expositions temporaires.
Tout commence à Rome au XVIIe siècle où les collectionneurs prêtent une partie de leur collection pour l'exposer dans des églises à l'occasion de festivités. On trouve aussi des expositions en France lorsque Napoléon pille les églises européennes et enrichit le Louvre de toutes les œuvres d'art qu'il croise sur son chemin. Mais l'exposition dédiée à un peintre sous forme de rétrospective ne prend véritablement naissance qu'au XIXe siècle, en Angleterre : la British Institution organise une exposition des toiles de Reynolds (1813), après avoir obtenu des prêts de collectionneurs. Haskell signale que dans les expositions précédentes, il n'était pas rare de voir des faux et des copies, disposées là sur la volonté de leurs possesseurs. Bref, la rigueur scientifique n'était pas la même...
Mais l'exposition la plus marquante est certainement celle de Manchester en 1857 : Art Treasures of the UK. C'est une exposition gigantesque avec tous types d’œuvres, aux ambitions scientifiques (classement chronologique).
Puis le propos couvre les expositions qui comportent des messages autres qu'historiques ou artistiques, ces expositions qui sont autant de démonstrations de la supériorité d'une culture, d'une nation : les expositions d'inspiration nationaliste. Et cela, depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale. L'exemple de l'exposition italienne de 1930 à Londres soutenue par Mussolini en est un bel exemple.
Ce que souligne Haskell, et qui est assez amusant, c'est que ce sont les particuliers qui prêtent pendant tout le XIXe siècle : les musées sont plutôt réticents et ce jusqu'à la Première Guerre mondiale. Et les expositions commencent au même moment à mettre en lumière des figures oubliées ou moins connues de l'histoire de l'art. Elles servent de révélateur au grand public !
Francis Haskell conclut sur l'aspect éphémère de l'exposition, sur son coté spectaculaire aussi. "Jamais plus on ne reverra une telle exposition" déplorent les journaux expo après expo. On sent aussi, et dès le XIXe siècle, la surenchère : il faut que ce soit unique et inoubliable. Et ce, tous les ans !
De même, la structure même des musées s'est trouvée modifiée par ce goût de l'exposition : des espaces sont dévolus aux expos temporaires, il n'est quasiment pas d'oeuvre qu'ils refusent de prêter et le succès même de ces expositions reflète la santé du musée...
Mais l'auteur met en garde son lecteur. Les œuvres s'usent, les conservateurs n'ont plus de temps pour les acquisitions et autres tâches, la spéculation sur les objets s'accentue lorsqu'une expo les met à la mode, les catalogues deviennent les uniques publications de référence sur certains artistes alors même qu'ils délaissent un pan de son oeuvre et limitent la publication de monographies savantes.
Bref, ce livre est une véritable mine sur l'histoire des musées, des expositions et de leur succès. Il donne des clefs de lecture historiques mais interroge également sur notre rapport consumériste à l'exposition temporaire. De quoi faire réfléchir le lecteur au choix de ses prochaines sorties muséales...