dimanche 13 avril 2014

Le Tour d'écrou

Il y a quelques mois, nous avions pu assister à une représentation de l'opéra de Britten tiré de ce roman d'Henry James. Ce livre était bien sûr dans ma PAL depuis un bout de temps et puis, récemment, j'ai eu une envie folle de le lire.
L'histoire tient en quelques lignes. 

Soirée de contes autour du feu. Un des personnage présent annonce une histoire terrible, une histoire de fantômes et d'enfants... Le manuscrit de cette histoire, bien caché, est ensuite lu.
Une jeune femme se voit confier deux enfants, Flora et Miles. Elle est leur professeur et vit dans une grande bâtisse anglaise à Bly avec quelques serviteurs. Les enfants sont beaux, lumineux et charmants. Intelligents également. Tout se passe pour le mieux jusqu'à ce que notre héroïne voie deux êtres roder autour d'eux. Elle les décrit à l'intendante, qui les reconnait comme d'anciens serviteurs, décédés depuis peu. 
Commence alors un combat entre la gouvernante et les fantômes, combat pour éloigner des enfants cette influence maléfique.

Vannes fortifications Bretagne

Ce roman interroge sur beaucoup de points. D'abord sur l'innocence des enfants. Ils sont décrits comme des anges purs. Mais la gouvernante et le lecteur en doutent. Et, c'est ce simple doute, plus que la réalité de savoir s'ils ont été pervertis ou non qui salit leur innocence. Voient-ils les fantômes ? Mentent-ils ? Sont-ils réellement pervertis par ceux-ci ? Ou par la gouvernante ? Et quelle est cette fameuse perversion ? S'agit-il de la découverte du désir et de la sexualité comme le disent les interprétations psychanalytiques de cette histoire ? A la rigueur, qu'importe. Mais le vers est dans le fruit, on imagine. Jamais on ne saura pourquoi Miles est renvoyé de l'école. Mais l'on pourra envisager le pire. Et c'est là toute la subtilité d'Henry James qui nous livre tout mais ne nous dit rien. 
De même, la gouvernante est un personnage étrange : ces fantômes apparaissent-ils vraiment ou ne sont-ils que le fruit de son imagination ? Est-elle la plus lucide ? Fantasme-t-elle toute cette histoire pour se donner de l'importance ? Par orgueil ? Par folie ? Par amour ? 
La construction du roman est ainsi faite que c'est au lecteur de décider car rien ne vient trancher. Tout est dans le non-dit et c'est à partir de ce non-dit que naît l'effroi. 
L'art d'Henry James tient à cette angoisse, cette tension qu'il sait distiller et qui augmente, lentement mais constamment. Il joue sur les répétitions, les scènes quotidiennes et y insuffle un doute, une ombre permanente. Oscillant entre fantastique et psychologique, le raffinement de ce récit est tout à fait remarquable. 

Shelbylee vous parle de sa fascination et de son interprétation du texte








8 commentaires:

  1. vu il y a peu à l'opéra aussi, il faudrait que je le lise!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, j'ai vu que tu avais aussi assisté à l'opéra de Britten ! J'en ai un souvenir effrayant !

      Supprimer
  2. Bravo pour ton billet, parce que si tu ne m'avais pas dit hier vers quelle hypothèse tu penchais, je n'aurais pas pu le deviner ! Tu arrives bien à traduire les multiples interrogations qui sont soulevées au cours de notre lecture. Je déteste habituellement les récits ouverts, mais celui-ci est l'exception !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, je préfère ne pas trop influencer le futur lecteur et lui laisser toutes les interprétations possibles. Si je penche naturellement vers l'hypothèse réaliste, je trouve que le fantastique a aussi ses arguments. J'ai aussi What Maisie knew sur ma PAL et cela m'a donné envie de le sortir. J'aimerais savoir quelle image il donne de l'enfance dans ce texte. Est-ce un sujet récurrent dans son oeuvre de questionner l'innocence de l'enfance (l'enfant étant forcément aimable et innocent depuis le 18e siècle) ?

      Supprimer
  3. J'ai vu le même opéra qu'Eimelle, une découverte car je n'avais pas lu le roman. Même dans l'opéra, qui semble bien fidèle au roman, rien n'est tellement tranché.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, tout reste ouvert. C'est au spectateur de se faire son opinion. Et c'est peut être encore moins facile dans l'opéra que devant la nouvelle.

      Supprimer
  4. J'avais beaucoup aimé ce roman et continué ensuite à lire tout Henry James d'ailleurs...

    RépondreSupprimer

Pour laisser un petit mot, donner votre avis et poser des questions, c'est ici !