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lundi 6 décembre 2021

Brèves de solitude

Un peu déçue par ce roman de Sylvie Germain, mon billet sera court. 

A travers de multiples personnages présents dans un square peu avant le confinement, puis retrouvé chez eux pendant le confinement, l'auteur nous livre des bribes de vies, d'émotions. Il y a quelques interactions, des ruptures, des rapprochements mais finalement rien qui permette d'être avec les personnages. S'il fallait montrer la solitude et l'insaisissable de chacun, c'est gagné. Mais tout m'a paru bien moins profond et plus artificiel que ce à quoi nous a habitué l'auteure.



jeudi 6 mai 2021

Les personnages

Sylvie Germain nous offre dans ce court ouvrage un temps de réflexion sur la littérature ou plutôt sur le processus d'écriture et la naissance des personnages. Elle conte comment ils s'imposent petit à petit à l'auteur, prennent forme, prennent souffle, embarquent l'auteur dans des histoires. Elles sonnent juste ou non, mais elles sonnent à travers eux. Le personnage n'arrive pas seul, il vient avec ses mots, ses visions. Genèse des personnages mise ensuite en esquisses à travers deux nouvelles : Le tremble, sur une auteure qui attend devant la page blanche et Magdiel, ce personnage qui s'impose à l'auteur sans qu'il arrive à en faire quelque chose... jusqu'au jour où il lui trouve une forme.

"Il a la force incantatoire des suppliants de la tragédie grecque dont Maurice Blanchot dit, dans L'entretien infini : "Le suppliant et l'étranger ne font qu'un : tous deux privés de tout, étant privés de ce droit qui fonde tous les autres et que crée seule l'appartenance au foyer. E. Beaujon nous rappelle que le mot grec, traduit par « suppliant », veut dire au sens propre : celui qui vient ; ainsi le suppliant est-il l'homme de la venue, toujours en route parce que sans lieu, à propos duquel il faut donc poser la question mystérieuse entre toutes, celle de l'origine […] Tout arrivant propose une vérité qu'il ne faut pas mettre à la porte ; mais qu'on lui donne accueil, et qui sait jusqu'où elle vous conduira ?"

"Mais tout romancier sait bien que les personnages sont doués d'une étrange autonomie, qu'ils sont des mendiants fantasques, et que leur désobéissance chronique n'est pas un simple caprice mais qu'elle obéit à des "lois" aussi obscures et dynamiques que celles qui régissent toute personnalité. Tout romancier sait qu'il n'est pas "le maitre dans la maison" de son imaginaire"

"S'oublier. S'oublier au cœur même de la vigilante attention porée au texte que l'on est en train d'écrire. Se perdre de vue pour voir autrement, pour se découvrir autre. 

De toute façon, on n'écrit jamais le livre que l'on rêvait d'écrire, faute de savoir au juste ce que l'on voulait écrire. A chaque nouveau livre achevé, on reste insatisfait, dubitatif. On a l'impression de s'être égaré en chemin, d'avoir échoué à dire ce que l'on croyait dire. Par un curieux, brutal mouvement de ressac, toute l'encre du texte patiemment élaboré se soulève en une énorme vague nocturne qui se fracasse contre le point final, et le texte reflue dans un poudroiement noir, laissant les pages vides, jonchées de mots brisés. [...]

Ecrire est dérisoire : une digue de papier contre un océan de silence. 

Le silence - lui seul obtient le dernier mot. Lui seul détient le sens éparpillé à travers la multitude des mots. Et c'est vers lui, au fond, que nous tendons, à lui que nous aspirons, aussi passionnément que secrètement, lorsque nous écrivons. "Garder le silence, c'est ce que à notre insu nous voulons tous, écrivant", dit Maurice Blanchot"

 


mercredi 31 mars 2021

Quatre actes de présence

Ce n'est pas un roman. Sylvie Germain nous offre ici des articles de spiritualité. Elle y parle de Dieu, du Christ et des actes de présence au monde. Présence exigeante, présence pleine et entière des êtres vivants, dans leur vulnérabilité et leur force. Présence à l'ineffable, à ce qui se dévoile dans le temps, le silence et la disponibilité. Comme souvent dans de tels textes, ce n'est pas tant des démonstrations que des thèmes à penser, ouverts au lecteur, qui y glane des phrases inspirées de Zundel, Weil ou Bataille.  

I. Acte de présence

Ici et maintenant

"Béquilles de l'alcool ou de la drogue pour les marginaux, les désespérés et les révoltés, béquilles dorées des convenances et des préjugés pour les fortunés, béquilles du jeu, de la télévision, du divertissement en tous genres pour les passifs ordinaires... La panoplie des cannes et des prothèses est variée, l'art de la fuite est multiple, chacun choisit sa défense selon ses moyens, contre la peur, l'ennui ou le dégoût que la vie lui inspire. Zorn s'arrête sur la réflexion de Sartre déclarant que ce qui importe n'est pas "ce qu'on a fait de l'homme, mais ce qu'il fait de ce qu'on a fait de lui"; une phrase qu'il peut signer, dit-il, tout en avouant son incapacité à faire de lui-même autre chose que ce que sa famille, son milieu ont fait de lui"

"L'enfer aussi est une intimité - "il est en nous, écrit Zundel, quand Dieu n'est plus en nous. [...] L'enfer, c'est l'échec de Dieu en nous." C'est l'échec de toute altérité en nous, par voie d'écrasement ou par voie d'absence."

"L'enfer, c'est quand l'Autre n'est plus en nous, qu'il n'a plus accès à notre conscience, à nos pensées, à notre cœur que sous une forme négative où se mélangent en un poison confus la méfiance, le ressentiment, la hargne, la douleur et le dégoût; c'est quand toute dimension d'altérité est perdue - tant celle du Tout-Autre que celle des autres, mes semblables, mes "prochains" devenus terriblement lointains, étrangers et hostiles. L'enfer, c'est quand il n'y a plus que "moi", mais un "moi" insulaire, abandonné de tous - et de soi-même ; un "moi" hébété de solitude, perclus d'indifférence, harassé de révoltes stériles, sinistré dans son propre vide. Un "moi" en totale déshérence. L'enfer, c'est quand il n'y a plus personne, ni autour de soi, ni au-dessus de soi, ni à l'intérieur de soi. Radicalement personne."

Comme le notait Rabbi Nahman de Bratslav; "L'homme est en grand danger ici-bas". En grand danger de se perdre de vue, de se perdre de vie. Et c'est pourquoi Rabbi Nahman disait aussi qu'"il est interdit d'être vieux", d'être oublieux de la vie, de la dynamique du devenir, et donc qu'"il faut se renouveler chaque jour, à chaque instant, pour amorcer constamment un nouveau départ.""

II. Acte de silence

La passion du silence

"Le silence, pour advenir et se déployer, a besoin d'espace, d'un vaste et calme espace intérieur, il ne supporte aucune pression. "A qui résiste, le monde n'advient pas. Et à qui comprend trop, l'éternel se dérobe.", dit Rilke dans l'un de ses poèmes. [...] "Aussi longtemps que vous avez la volonté d'accomplir la volonté de Dieu et avez le désir de l'éternité de Dieu, aussi longtemps vous n'êtes pas pauvre; celui-là est un homme pauvre qui ne veut rien et ne désire rien.""

Un ange passe

"Ce sont rarement de "bons anges" qui circulent à travers nos paroles. Plus souvent s'y glissent des "démons", ceux de l'orgueil, de la jalousie et de la médisance, du mensonge, de la flatterie ou de la colère, du mépris ou de l'indifférence [...] Si nous nous méfions tant du silence et nous ingénions à le combler par toutes sortes de bruitages, dont le langage alors réduit à du bavardage, aussi raffiné puisse-t-il être en apparence, c'est parce que nous sentons qu'il recèle un pouvoir singulier, inquiétant : celui de nous dévoiler à nous-mêmes et aux autres dans notre fragilité."

"Le souffle : pure expression de vie, signature à la fois si délicate et si pénétrante, infime et bouleversante, de la présence d'un vivant. Comme la lumière, il frémit à la lisière de la matière et de l'immatériel, entre mystère et merveille." 

""Toute parole est vaine qui n'est pas redite au-dedans, avec le consentement de l'amour", observe Maurice Zundel"

III. Acte de paradoxe

Fragilité de la foi

"Comme l'a noté Simone Weil : "Le temps, à proprement parler, n'existe pas (sinon le présent comme limite), et pourtant c'est à cela que nous sommes soumis. Telle est notre condition. Nous sommes soumis à ce qui n'existe pas. [...] Mais notre soumission existe. Nous sommes réellement attachés par des chaînes irréelles. Le temps, irréel, voile toute chose et nous-mêmes d'irréalité.""

"Simone Weil, dans son style lapidaire toujours aussi percutant, écrit : "Reniement de Saint Pierre. Dire au Christ : je te resterai fidèle, c'est déjà le renier, car c'était supposer en soi et non dans la grâce, la source de la fidélité. Heureusement, comme il était élu, ce reniement est devenu manifeste pour tous et pour lui. Chez combien d'autres, de telles vantardises s'accomplissent - et ils ne comprennent jamais.""

"Judas est un homme qui ne supporte la faiblesse ni chez les autres - et surtout pas chez son maître, homme rebelle à l'exercice de tout pouvoir temporel -, ni en lui-même lorsqu'il se découvre dépassé, écrasé par ce qu'il vient de commettre. Il ne la supporte pas parce qu'il la conçoit comme un aspect négatif, limitatif, comme un manque de volonté de puissance, une déficience, un ratage. Il ne l'appréhende pas dans toute son amplitude, dans l'étrangeté de son ambivalence, il n'en retient que la face étroite et terne. Que l'aspect d'insignifiance; une pente sans aspérité qui ne peut mener qu'à l'échec. L'autre face, toute en souplesse et d'une grande capacité réfléchissante, il l'ignore. C'est pourtant celle-là que son aître est venu éclairer."

L'angoisse : une chance à saisir

""Nul n'est sauvé, sinon par la grâce, rappelle Kierkegaard. Mais il est un péché qui rend impossible de l'obtenir, et c'est le manque de sincérité." On peut ajouter : le manque de générosité, le manque d'hospitalité, car il en faut pour accueillir une offrande à son juste prix. Un don négligé, repoussé, ne peut pas révéler sa valeur ni sa saveur ni sa grandeur; un héritage refusé tombe en déshérence, un titre galvaudé sonne le creux, tourne au ridicule, ou à l'imposture."

IV. Acte de mémoire

samedi 20 mars 2021

Rendez-vous nomades

Un petit livre de Sylvie Germain qui n'est pas un roman mais plutôt un essai, une exploration nomade entre des pensées intimes, intérieures, existentielles. On y croise des questions sur Dieu et sur le lien de l'homme à Dieu, à travers la Bible. On se questionne avec elle autour de foi et raison, de l'innommable et de la shoah. Questions existentielles et humaines qui nous conduisent à l'écriture et à la lecture, guidés par Paul Celan, Simone Weil, Maurice Zundel et quelques autres. Si les premières parties traitent de là où elle vient à travers l'exploration du hasard, de l'extraordinaire, de l'invention, de l'inquiétude et révolution puis des mots qui font problème comme ceux de foi et croyance, de Dieu, de grandeur, d'imagination, de pourquoi, la dernière est sur l'écriture. C'est celle qui m'a le plus intéressé et que j'ai trouvé aussi la plus accessible.



L'ouvrage se termine par une nouvelle, L'astrologue, qui joue justement avec la marelle et le monde.

"La Bible est pareille à cet "abri de fortune" (au sens aussi de "trésor"), en tant qu'objet déplaçable et maniable, bien sûr, mais plus essentiellement en tant que lieu d'habitation migrante et de lieux de rendez-vous toujours renouvelé avec la part tout autre de soi même, la part d'inconnu, d'insoupçonné du temps, du monde, de la vie"
"La foi : une aventure de la pensée troublée par l'étrange gout de ce manque qui prend saveur de désir, et mue par les confus remuements du vide en elle."
"Ecrire est le plus sérieux des jeux. dans le territoire du roman, on écrit un peu à la façon dont on joue à la marelle, on pousse les mots de ligne en ligne, de page en page, on avance à cloche-main, et les espaces traversés ne sont pas sans danger. Mais on ne vise aucun "paradis", aucun "ciel" ; c'est vers le silence que l'on tend, que l'on conspire, en écrivant. Vers ce silence qu'on devine ouvert en amont du langage, que l'on pressent béant en son aval, et que l'on sent bruire autour, et tout au fond de chaque mot"
""Le romancier n'est ni historien ni prophète : il est explorateur d'existence" dit Kundera. Le romancier n'est rien de précis, il ne possède aucun savoir particulier, il est juste, et passionnément, en quête d'un peu de compréhension de ce qu'est l'humain. Il tourne autour, il lance de sondes, fines ou brutales, il fouille et touille, il hasarde des conjectures, il bricole des possibles par voie d'inférence et d'imagination, il extrapole."
"En écriture : on veille sur du sens imprécis, insaisissable, innommable, sur le passage d'un souffle - inspiration ; on témoigne de la présence de quelque chose qui ne se manifeste toujours qu'à fleur d'absence - expiration. On assume une fonction de lieutenance"
"Ce qui importe, c'est l'assomption par l'écrivain de cette "voix" (bruit, souffle, murmure, cri, chant, appel...) montée il ne sait d'où, qu'il fasse l'effort de s'en faire la bouche/main suppléante, l'effort de tenir lieu de locuteur quand la voix inaugurale s'est déjà retirée, partie ailleurs semer son trouble"

mercredi 20 septembre 2017

Nuit d'ambre

Voici la suite du Livre des nuits que je me suis empressée d'aller chercher en bibliothèque après mon coup de coeur. Sylvie Germain prend une place nouvelle dans mon panthéon. 

On change un peu de prisme, laissant le vieux Nuit d'Or au second plan pour suivre un de ses petits enfants, Nuit d'Ambre, prénommé Charles Victor à sa naissance. Cet enfant, oublié par ses parents broyés par la mort de son grand frère, cultive une haine féroce envers les siens, envers le monde, envers les hommes et les dieux. Il se veut mauvais, criminel et colérique. Et il grandit ainsi avec pour seul amour sa petite soeur.

Personnage agaçant, égoïste et blessé, Nuit d'Ambre m'a moins plu que Nuit d'Or. Mais j'ai été heureuse de passer quelques heures de plus avec cette étonnante famille. Bref, un second tome moins fou que le premier.

 
"Baptiste, mon pauvre Prince de Nemours, mon pauvre amour de jeunesse, je ne sais plus, je ne peux plus t'aimer comme autrefois. L'amour en moi s'est essoufflé, le désir s'est perdu. Mon tendre et dérisoire Prince de Nemours, jusqu'à quand tiendras-tu ouvert le livre de notre rencontre, le livre de notre coup de foudre ? Vois, moi, j'ai perdu la page. Le livre m'est tombé des mains. J'ai perdu toutes les pages. Je ne sais même plus lire, peut-être. Je ne sais plus comment s'écrit l'amour, comment se dit, comment se lit l'amour"

"La guerre n'était-elle pas une mère monstrueuse, obscène et folle, qui ne portait les hommes dans son ventre difforme que pour les remettre bas, sous l'aspect d'êtres amputés à jamais de la paix dans leur mémoire et dans leur âme ?"

lundi 18 septembre 2017

Le livre des nuits

C'est certainement le coup de cœur de mon été que ce roman de Sylvie Germain. J'ai adoré son écriture poétique, les pointes de fantastiques, les personnages consistants et attachants. C'est vraiment mon truc le réalisme magique !

Frida Khalo, Luther Burbank, MexicoC'est l'histoire d'une famille, ou plutôt de Nuit-d'Or. Ce personnage fabuleux, prénommé Victor Flandrin Péniel, on va le suivre depuis ses origines de marin d'eau douce, enfant de péniche et d'inceste. Il est petit-fils de Vitalie, la femme aux six enfants morts nés, fils du septième, Théodore-Faustin, l'homme doux devenu fou après la guerre de 1870. Enfant des fleuves, il devient homme des terres, quelque part près des frontières, à l'est, au lieu nommé Terre Noire. Il y fonde une famille qui ne cesse de s'élargir, une famille d'enfants jumeaux, qui font miroir les uns pour les autres. Et qui traversent le XXe siècle entre guerres et violences des hommes. Et de Dieu ? s'interroge Nuit-d'Or.

Ce roman, c'est une merveille narrative. La première partie, "Nuit de l'eau", demande un petit effort, pour entrer dans le roman, mais très vite, le lecteur est pris et ne peu s'arracher à la famille Péniel, surtout lorsqu'elle sort de la réalité avec l'enfant de sel, les petites chaussures de la mort, les larmes de verre, l'ombre de Vitalie... et toutes ces petites touches qui transforment les êtres. C'est aussi une écriture très belle (ou que je trouve très belle) avec ces images inspirantes, pénétrantes et poétiques, ces rêves étranges et beaux, ces événements fantastiques qui n'appellent pas d'explication mais existent, simplement. 

Sans surprise, je me suis jetée sur la suite, Nuit-d'Ambre... Et je vous en parle bientôt.

jeudi 27 mars 2014

Petites scènes capitales

Ce dernier roman de Sylvie Germain m'avait été décrit comme très sombre, très triste, bref, très déprimant. Ce n'est pas entièrement faux. Les personnages qui entourent Lili-Barbara s'éteignent, brutalement ou après de longues années. Est-ce un destin contraire qui s'acharne ou simplement la vie qui est ainsi ? 


Ce roman, c'est l'histoire d'une vie, celle de Lili-Barbara. Une fillette discrète voire effacée, une jeune femme passive et sans ambition, toujours en recherche d'elle-même, une adulte finalement sereine. Mais pour cela, que de drames, que de vexations, que d'interrogations. La vie de Lili s'expose pendant de courts chapitres, ces fameuses quarante-neuf scènes capitales qui la construisent et écrivent son histoire. Il y a son enfance lumineuse, transformée par le remariage de son père puis par des décès. Il y a les histoires des autres, celles de cette nouvelle famille qui accompagne sa belle-mère, aux quatre enfants bien différents. Il y a des sensations, des images, des moments anecdotiques. Tous composent l'aventure, somme toute banale, d'une femme née en France après la Seconde Guerre mondiale. 

Ce roman d'apprentissage, ciselé par une plume toujours élégante et précise, à la limite du lyrique, pose des questions existentielles, universelles mais profondément liées à l'intime et à l'histoire personnelle : "Qui suis-je ? D'où suis-je issu ? Où vais-je ?" et l'éternel "pourquoi ?" des injustices, du destin et de la chance. Notons également le très beau moment de la prise de conscience de soi par Lili, cette cassure qui se fait entre elle et le monde, cette naissance du "ego". Sans donner de réponse définitive à toutes ces questions philosophiques, ce roman explore bien des pistes : vie religieuse, vie d'artiste, vie en communauté, vie familiale... une ribambelle de possibles avec ses satisfactions et ses échecs. 

Petit extrait, on se promène dans les rues... 
"Les façades des immeubles, à la nuit tombée, ressemblaient à des pages de livres illustrés, dont les images étaient mouvantes. Des livres qui chuchotaient des bribes d'existences dont elle ignorait le début et la fin, dont elle ignorait tout en vérité, mais dont les personnages, aussi réduits à de succinctes et fugaces esquisses aient-ils été, vivaient bel et bien. Non des vies fantômes, mais des vies autres, indépendantes, qui, dans leur totale indifférence à son égard, n'en ébauchaient pas moins avec elle des liens de sympathie. Des liens fluides entre vivants qui partageaient un commun ici et maintenant, et qui, dans leur flottement, s'incurvaient en point d'interrogation. Tant de gens en train de vivre tout autour d'elle, si près, inaccessibles, tant de corps en mouvement, tant de gestes déployés, tant de paroles et de regards échangés, hors d'elle, tant de pensées. Tant de destins - peut-être médiocres pour la plupart, mais magnifiés par le soyeux et la clarté d'or fondu des cadres où ils se laissaient apercevoir". 



Mon petit favori de Sylvie Germain reste toutefois Tobie des marais

jeudi 21 novembre 2013

Magnus

Je vous entends déjà : "Quoi, tu n'avais jamais lu ce livre ?! C'est incroyable ! Depuis le temps qu'on te le conseille..." 
Eh bien, voilà qui est fait. Et je ne suis pas autant sous le charme que lorsque j'ai découvert Tobie des marais de Sylvie Germain. Peut-être en attendais-je trop ?

L'histoire est celle d'un jeune garçon, Franz-Georg (allemand, vous l'aurez deviné) qui a oublié ses cinq premières années. Il redécouvre la vie et son histoire avec sa mère, omniprésente, et son père, plus distant. Mais très vite, la grande histoire s'emballe et balaie sa famille. Franz-Georg est déraciné d'Allemagne et va vivre en Angleterre chez son oncle. Il change de nom et devient Adam. De ses premières années, il garde ce besoin de tout mémoriser et cette envie de comprendre qui le conduit au bout du monde.
On suit Franz-Georg à travers des moments clés de son existence. Et l'on guette cette construction en creux d'une identité.


identité-histoire

Le roman est construit de fragments (l'histoire du héros) et de notules, séquences et autres interruptions biographiques, poétiques et historiques qui contextualisent le roman. Personnellement, j'ai apprécié ces interruptions mais m'en suis un peu lassée à mesure des pages tournées. Quant au style de Sylvie Germain, je l'ai trouvé moins percutant que lors de précédentes lectures. Est-ce moi ou est-il réellement moins fouillé dans cette oeuvre ?  

mercredi 16 janvier 2013

Tobie des Marais

J'avais entendu beaucoup de bien de ce roman de Sylvie Germain. Cela a suffi pour me donner envie de le lire. Eh bien, je l'ai dévoré.

Tout commence avec cet étrange garçon sur son tricycle, loin de tout. Et une tragédie familiale : une femme, une mère est morte. Décapitée. Et sa tête manque. Anna, c'est son nom, est la mère de Tobie, l'épouse de Théodore. Sa mort crée des réactions en chaîne : son mari a une attaque, sa belle soeur devient folle... La grand-mère de son mari, Déborah, prend alors soin de Tobie. 
On découvre l'histoire de cette famille, dont les morts n'ont pas de tombes. Une famille sur laquelle le destin semble s'acharner. On suit Tobie, enfant puis jeune adulte, jusqu'à une rencontre.

Inspiré du livre de Tobie, ce roman en reprend quelques grands passages, adaptés à une vie campagnarde dans le marais poitevin. Sylvie Germain campe avec beaucoup de lyrisme et de poésie le cadre naturel de son histoire ainsi que ses personnages. 
Une narration bien menée, des personnages qui aspirent à des désirs simples et essentiels, une plume superbe... Je suis conquise !

lundi 21 février 2011

Les échos du silence

Il y avait déjà le titre. Puis l'image de la couverture. Enfin la quatrième avec cette évocation de "Dieu se tait". Il ne m'en fallait pas plus pour acquérir ce livre de Sylvie Germain. Et à l'intérieur, cette dédicace aux moines de l'Atlas a confirmé ce choix.
Mais ce livre ne s'offre pas sans effort. Le premier chapitre s'intitule 'Impropères', mot peu usité s'il en est. Les impropères, ce sont les reproches. Les reproches envers les juifs initialement. Ici les reproches de tous envers dieu et ses silences en ce siècle de guerres meurtrières, d'abominations et de perte de foi. C'est aussi la figure de Job, toujours plus pauvre et malheureux, lent à la plainte. Job a qui tout est rendu mais qui reste l'éternel perdant. 
Le deuxième temps est celui d'un dieu introuvable, toujours en mouvement, celui pour qui il faut rester veilleur, malgré tout. Celui que l'on accuse d'abandon.
Le troisième temps est celui du Roi Lear, vous savez, la pièce de Shakespeare. Partant du constat simple de la prodigalité de dieu, la comparant à celle de Lear qui laisse son royaume à ses enfants, l'auteur analyse les caractères des personnages. Chaque attitude, chaque mot, c'est une façon de répondre à l'absence, au silence. Très belle interprétation spirituelle d'un texte littéraire !
Pour conclure, une lecture spi, courte mais où le poids de chaque mot est important. Un livre qui ne plaira pas forcément à tous !

jeudi 11 février 2010

Hors Champ

Je n'avais jamais lu Sylvie Germain mais cette découverte m'encourage à m'intéresser de plus près à cette auteur. Non pas qu'il s'agisse d'une révélation, mais j'ai l'impression qu'il y a un vrai potentiel...

Le roman s'échelonne sur une semaine. Une semaine où le narrateur se sent de plus en plus éloigné de ses proches. Il est de plus en plus flou. Et étonnamment, avec son flou physique, la mémoire des gens s'efface et Aurélien devient un insecte gênant, que l'on balaie d'un coup de main. 

Si les premières pages n'avaient pas retenu mon attention (soucis informatiques qui font disparaitre le récit de son frère Joël), j'ai été intriguée par ce personnage dont on ne comprend pas bien pourquoi il est subitement bousculé dans la rue, ignoré par ses collègues et par sa copine. Mais il est hyper agaçant avec sa façon de ne pas réagir et de rester en dehors de tout. Et les personnages secondaires ne sont toujours qu'esquissés. Bref, pas moyen de s'attacher vraiment.
Par contre, j'ai eu quelques difficultés à m'habituer au style, que j'ai trouvé assez plat. Mon impression finale est mitigée.