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lundi 14 mars 2022

Ce matin-là

Vous connaissez mon gout pour les livres de Gaëlle Josse. Celui-ci était une bonne pioche, j'ai aimé suivre Clara son héroïne.

Un matin pour Clara, tout lâche : sa voiture lâche et elle s'effondre. Ce burn-out, dont le nom n'est pas écrit, va consumer son temps, sa vie, ses amours. La jeune femme efficace et compétente, soumise à des pressions qu'elle ne supporte plus, va mettre sa vie entre parenthèse. Elle peine à s'alimenter, dort, et sortir de chez elle devient une épreuve. Son amoureux ne comprend pas. Son médecin, si.

Et c'est la lente dépossession de soi et sa reconquête que nous observons chez cette jeune femme. Une seconde naissance, une nouvelle liberté par rapport à soi, aux autres. Malgré les fragilités.

Un joli roman, quand la vie met plus de temps à se reconstruire que quelques pages. 



mercredi 22 avril 2020

Les heures silencieuses

Très court roman de Gaëlle Josse, il retrace la vie d'une femme hollandaise du XVIIe siècle, Magdalena Van Beyeren, sous la forme d'un journal intime. L'inspiration vient d'un tableau d'Emmanuel de Witte conservé à Montréal, où l'on voit une femme, de dos, jouant de l'épinette.

Magdalena, fille d'un administrateur de la compagnie des Indes, aide son père dans ses affaires. Elle visite les entrepôts et les bateaux à Delft, elle suit le cours des marchandises, elle compte et déjoue les erreurs et les vols. Avec son mariage, son rôle change. Elle devient mère, elle s'occupe de la maison. Le rythme change, ses obligations aussi. Elle s'enlise malgré elle dans son rôle de bourgeoise et le regrette. La musique heureusement vient lui donner une respiration...

Roman simple, poétique, lent, il se lit doucement. Pas de surprise. Les thèmes universels transparaissent autour des destins féminins, des rapports à la société, à la richesse.

Glanage de jolies phrase dans un livre qui ne restera pourtant pas mémorable :
"Ce que nous tentons de bâtir autour de nous ressemble aux digues que les hommes construisent pour empêcher la mer de nous submerger. Ce sont des édifices fragiles dont se jouent les éléments. Elles restent toujours à consolider ou à refaire. Le cœur des hommes est d'une moindre résistance, je le crains"
"Le cours de nos vies est semé de pierres qui nous font trébucher, et de certitudes qui s'amenuisent. Nous ne possédons que l'amour qui nous a été donné, et jamais repris"
D.R.

jeudi 24 octobre 2019

Une longue impatience

Avril 1950, Anne est inquiète : Louis, son fils aîné, a disparu. Enfin, il n'est pas rentré. Et il ne rentrera pas pendant des jours, des mois, des années... C'est avec Anne, sa mère, que l'on vit cette attente insupportable. Alors, pour patienter, elle coud. Elle imagine sur une nappe le festin qu'elle donnera lors du retour du fils prodigue. En creux, c'est la vie d'Anne, son mariage avec Etienne, qui n'est pas du même monde, ses autres enfants. C'est Louis petit puis ado. Louis qui prend tant de place pour un absent.

Ce roman de Gaëlle Josse est superbe ! Poignant, touchant, à faire pleurer. Le portrait d'Anne est fin, subtil, discret et l'écriture tisse un visage de femme inoubliable, d'une patiente Pénélope de Bretagne.

lundi 5 août 2019

Le dernier gardien d'Ellis Island

Après la belle découverte de Gaëlle Josse, je sors de ma PAL des titres plus anciens. Celui-ci n'a pas eu autant d'intérêt pour moi que le premier, peut-être parce que le sujet ne m'enthousiasmait qu'à moitié. 

Nous sommes à Ellis Island, auprès de John Mitchell, responsable du site, à quelques jours de sa fermeture. Et celui-ci, en rangeant ses derniers papiers, en faisant une fois de plus le tour de ces bâtiments où il a vécu toute sa vie, se livre aux souvenirs. Il écrit un journal posthume des lieux - et de sa propre vie, si attachée au lieu qu'elle ne semble pouvoir continuer loin de lui. On croise des figures aimées, Liz, son épouse et son frère, des collègues de travail, des migrants anonymes, sauf une, la sombre Nella. 
C'est toute la vie de l'île qui jaillit sous sa plume : les foules anonymes et craintives, fatiguées et sales, les fonctionnaires qui les trient et les questionnent… Et John, dans sa tour d'ivoire, faisant tourner la machine américaine sans trop se mouiller. En oubliant parfois les singularités derrière la masse débarquée. Quelques rencontres plus particulières sortent du lot. Quelques noms et visages pour 45 ans de service.

Quelle plaisir de retrouver la plume précise et ciselée de l'auteure pour nous raconter cet homme, ce lieu, cet esprit des lieux entre histoire et imaginaire. 


jeudi 30 mai 2019

L’ombre de nos nuits


C’est ma première lecture d’un roman de Gaëlle Josse. Je crois que ce ne sera pas la dernière. A travers ce récit à trois voix, entre Georges de La Tour, son apprenti et une jeune femme, nous plongeons dans l’art et la passion qui dévorent. Au cœur du livre, un tableau du maître, Saint Sébastien soigné par Irène. C’est autour de lui que se nouent les récits et les souvenirs.

De l’idée du tableau à sa présentation à Louis XIII, nous voilà aux côté du peintre Georges de La Tour, dans sa maison de Lunéville, avec sa famille et son jeune apprenti. Autour d’eux, c’est la guerre, la peste et la famine mais rien ne transparaît ou presque dans le cocon de l’atelier de l’artiste. Il y a du feu dans la cheminée, des pigments ocres et bordeaux.

La découverte du tableau dans le musée de Rouen, par une femme entre deux trains, lui évoque les souvenirs d’un amour intense, violent et malade. La passion pour un homme blessé comme le saint, sur lequel elle s’est penchée, s’oubliant dans la tâche d’aimer et de soigner le blessé.

Jeu d’ombres et de lumière, récit entrelacé de sensibilité et de finesse, c’est une joie de lectrice que de découvrir de tels trésors !

« La capacité d’oublier est peut-être le cadeau le plus précieux fait aux hommes. C’est l’oubli qui nous sauve, sans quoi la vie n’est pas supportable. Nous avons besoin d’être légers et oublieux, d’avancer en pensant que le meilleur est toujours à venir. Comment accepter sinon de vivre, sidérés, transis, douloureux, percés de flèches comme cet homme qu’une femme aimante tente de soigner ? »
« Ce regard. C’est ainsi que nous devrions nous y prendre avec les autres, avec cette attention de dentellière penchée sur son carreau, à regarder naître son motif sous ses doigts, et rien d’autre »
« Si l’amour ne s’accompagne pas d’une totale confiance, il n’est pas. Il est aventure, parenthèse, emballement, caprice, arrangement, plaisir, loisir. Croire en l’autre suppose l’abandon de nos résistances, de notre défiance. Don total qu’on veut croire réciproque. Si, à l’instant de la rencontre, cela n’est pas, nous ne savons pas aimer. Si notre voix ne vacille pas, ne tremble pas, comme tout notre être vacille et tremble, nous ne savons pas aimer »
« J’ai passé le week-end seule, au milieu de ce que j’aimais le plus au monde, et tout cela n’avait plus de sens. J’étais expulsée de mon propre paradis, parce que je ne pouvais le partager avec toi, et que tu ne désirais pas le connaitre »