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lundi 22 novembre 2021

Le roman de Venise

Voici un vieux de la vieille de la PAL ! Les échanges de George Sand et Alfred de Musset attendaient patiemment que je daigne les ouvrir. Lecture lente de mon côté, entrecoupée d'autres découvertes, je viens de refermer les dernières pages de cette saga des sentiments. Vous connaissez l'histoire j'imagine : George aime Musset, ils partent en voyage à Venise, il tombe malade et elle tombe amoureuse du médecin, retour à Paris et petit jeu entre les deux amants façon je te suis - tu me fuis. 

L'ouvrage édité par Babel rassemble à la fois les lettres des amants mais aussi quelques lettres avec leurs proches (Sainte-Beuve, Buloz, Pagello...), des extraits de journaux, de correspondance de l'époque qui s'intéresse à la vie des deux amants. Il propose des courriers de 1830 à 1844. Il ne s'agit pas de la correspondance exhaustive des deux amants mais d'une large sélection, avec quelques dessins - au début - et beaucoup de notes pour identifier les personnes concernées ou les événements. Outre l'histoire d'amour des amants, on y voit leurs soucis et préoccupations du quotidien - l'argent, les enfants, les écrits pour George... et la mère de Musset !

Un ouvrage plus exigeant mais aussi plus riche que je ne l'imaginais.

"Quand j'étais son esclave, il m'aimait faiblement ; à présent que je rentre dans les droits de ma raison, son orgueil blessé s'attache à moi et me poursuit comme une conquête difficile..."

"Tu n'es pas de ceux qu'une fatigue vaine doit décourager ni qu'une chute peut briser. Tu n'es pas destiné à ramper sur la boue de la réalité. Tu es fait pour créer ta réalité toi-même dans un monde plus élevé, et pour trouver tes joies dans le plus noble exercice des facultés de ton âme. Va, espère, et que ta vie soit un poème aussi beau que ceux qu'a rêvés ton intelligence"

"Ecoute, écoute, George, si tu as du cœur, rencontrons nous quelque part, chez moi, chez toi, au Jardin des Plantes, au cimetière, au tombeau de mon père (c'est là que je voulais te dire adieu). Ouvre ton cœur, sans arrière-pensée, écoute-moi te jurer de mourir avec ton amour dans le cœur ; un dernier baiser et adieu !"

"Je suis perdu, vois-tu, je suis noyé, inondé d'amour ; je ne sais plus si je vis, si je mange, si je marche, si je respire, si je parle ; je sais que j'aime. Ah ! si tu as eu toute ta vie une soif de bonheur inextinguible, si c'est un bonheur d'être aimée, si tu ne l'as jamais demandé au ciel, oh toi, ma vie, mon bien, ma bien-aimée ! regarde le soleil, les fleurs, la verdure, le monde ! Tu es aimée, dis-toi, cela autant que Dieu peut être aimé par ses lévites, par ses amants, par ses martyrs, je t'aime, ô ma chair et mon sang ! je meurs d'amour, d'un amour sans fin, sans nom, insensé, désespéré, perdu, tu es aimée, adorée, idolâtrée jusqu'à en mourir ! Et non ! je ne guérirai pas. Et non, je n'essayerai pas de vivre ; et j'aime mieux cela, et mourir en t'aimant vaut mieux que de vivre. Je me soucie bien de ce qu'ils en diront. Ils disent que tu as un autre amant. Je le sais bien, j'en meurs. Mais j'aime, j'aime, j'aime. Qu'ils m'empêchent d'aimer !"

"Hélas me voici lâche et flasque comme une corde brisée, me voici par terre, me roulant avec mon amour désolé comme avec un cadavre, et je souffre tant que je ne peux pas me relever pour l’enterrer ou pour le rappeler à la vie."

"je n'ai pas le courage de rester avec celui que je devrais aimer, et je l'aimerai toujours trop, pour jamais offrir de garantie certaine à un autre, contre lui. Je vais donc travailler à tuer l'amour en moi."

vendredi 19 août 2016

Contes d'une grand mère

Voici un livre de George Sand que je ne connaissais pas et qui m'a étonnée par son parti pris scientifique. En effet, on ne reste pas à se promener dans une campagne romantique et isolée, même si cet aspect existe, on s'amuse aussi de géologie et biologie. Mais bien sûr, à un niveau compréhensible par de jeunes enfants.

Le chêne parlant : Le jeune Emmi fuit la violence de sa famille en se réfugiant dans son chêne. Celui découvre le joli monde de la forêt et passe une année de liberté, se nourrissant des fruits et animaux que la nature lui offre. Mais la compagnie humaine vient à lui manquer... 
Le chien et la fleur sacrée : on parle métempsycose ce soir et deux invités racontent leur dernière incarnation, l'un comme bon toutou, l'autre comme éléphant blanc. 
L'orgue du titan : musicien en herbe, le jeune Angelin accompagne son maître au fin fond des monts dorés. Sur le chemin, il découvre les merveilles géologiques des roches de Sanadoire et Tuilière qui vont lui faire vivre une curieuse expérience. 
Ce que disent les fleurs : comme beaucoup d'enfants, notre narratrice est curieuse du monde des fleurs et va surprendre leur conversation. 
Le marteau rouge : l'histoire d'un bloc de cornaline, de ses origines à nos jours et ses transformations par les hommes (et les fées). 
La fée poussière : où l'on découvre le royaume fantastique de la poussière, qui contient le monde en miniature. La fée y sera notre guide. 
Le gnome des huîtres : amateur d'huîtres, un ami de la maison décide de trouver quelle est la meilleure provenance. Il rencontre un autre passionné... De coquilles d'huîtres. 
La fée aux gros yeux : la gouvernante d'Elsie est très bizarre, elle déteste oiseaux et chauve-
souris. Et puis, elle a de gros yeux qui ne voient rien. Enfin, rien de visible aux autres êtres humains.

Ce recueil de contes pour les enfants est sympathique, il se veut pédagogique et scientifique tout en restant plein d'imagination et de belles créations. Un peu daté parfois mais intéressant aussi pour effleurer la connaissance scientifique populaire de la fin du XIXe siècle.

mardi 28 avril 2015

La Comtesse de Rudolstadt

Encore George Sand ? Ecoutez, j'avais laissé la petite Consuelo aux portes de Berlin, je n'allais tout de même pas l'abandonner là ! Ce livre est en effet la suite de Consuelo et il nous présente non plus un voyage terrestre mais un voyage spirituel.

En effet, Consuelo reste un bon bout de temps à Berlin et en Prusse, d'abord comme cantatrice puis comme prisonnière. Devenue la Porporina, du nom de son professeur chéri, elle est tous les soirs sur les planches de l'opéra de Berlin. Mais l'ambiance n'est pas à la fête car Frédéric II n'est pas aussi cool qu'il en a l'air. Entouré de Voltaire, d'Argens et La Mettrie, il se donne des airs de roi philosophe, de prince des Lumières. Mais la réalité est plus sombre et chacun tremble devant sa dictature. Seule Consuelo y semble indifférente et se comporte avec la même vérité et humilité que nous lui connaissons. Cela la rend chère à la princesse Amélie, qui complote un peu, et à Frédéric II, qui se souvient de son bon cœur. Mais ne dure qu'un temps. Car le roi est soupçonneux et Consuelo sans soutien... Elle se retrouve bien vite en prison. 
Et d'une prison dans une autre... Enlevée par un homme mystérieux, elle est désormais aux mains d'une société secrète, les Invisibles. Dans une tradition du secret et des épreuves, la jeune chanteuse est petit à petit initiée à la philosophie, à la politique et à l'histoire. Sa foi simple et ardente devient une foi humaniste plus que religieuse. Bref, elle est appelée à un nouvel éveil spirituel. Mais il n'est pas sans douleur car Consuelo est tombée amoureuse de son libérateur, Liverani, et doit, pour être initiée, le repousser sans cesse.

Gallen Kallela Ad astra

Si ce tome est beaucoup moins axé sur les rebondissements permanents, on y retrouve le goût un peu gothique et romantique du mystère, des secrets, voire des fantômes et des ruines. Il passe aussi à un autre niveau, moins romanesque et plus philosophique et politique. Avec Consuelo, George Sand nous interroge sur ce vers quoi doit tendre la société, sur ses idéaux et sur les moyens qui sont pris pour y parvenir. Je lui reprocherai toutefois d'être parfois bavarde et de camper des personnages un peu trop dogmatiques. On frôle le préchi-précha, notamment avec les discours de Wanda et la lettre de Philon ! Mais la réflexion globale reste intéressante : G. Sand met en perspective les aspirations de ces sociétés secrètes et les violences de la Révolution, dont leur action, toute pacifique, a été le prélude. Bref, le côté franc-maçon m'a un peu fatiguée de même que les histoires d'initiation. J'aurais bien raccourci certains passages. Mais l'ensemble est plutôt réjouissant et bien pensé ! De même, les réflexions sur l'amour et le mariage sont pertinentes et toujours d'actualité. Un roman qui montre bien l'implication sociale de G. Sand.

Et vous, amateurs de sociétés secrètes ou non ? Qu'en dites-vous lorsque votre roman devient une démonstration philosophique ou morale ? 

jeudi 5 mars 2015

Consuelo

Pour moi, George Sand, c'était uniquement La petite fadette et La mare au diable. Des lectures un peu enfantines, sur fond d'amours paysannes, aux personnages toujours purs et beaux, quoi que mal jugés. Cela m'a d'ailleurs toujours semblé contradictoire avec le personnage de l'auteur, viril et jouisseur, qui accumule les amants, que l'on nous présente à l'école... Avec Consuelo, on rentre dans quelque chose de plus consistant (et pas uniquement en termes de nombre de pages).


George Sand par David d'Angers

Consuelo est une petite zingarella vivant à Venise. Elle y apprend la musique auprès du Porpora, compositeur du XVIIIe siècle, et devient cantatrice. Pure et simple, la petite chanteuse ne prend pas la grosse tête. Mais le monde qui l'entoure, et notamment son petit amoureux, est bien moins chaste et désintéressé qu'elle. Et la voilà qui fuit Venise pour se réfugier en Bohème avant de retrouver son maître à Vienne.

Ce roman, publié en feuilleton (cela se sent dans les rebondissements et les invraisemblances de certaines actions), est de ceux qu'on a du mal à lâcher. Si l'héroïne, tellement éthérée et bienveillante que c'en est louche, a failli m'agacer à plusieurs reprises, elle n'en a pas moins finit par gagner ma sympathie. Franche, honnête, pieuse, c'est une petite sainte... Qui se retrouve dans des situations diaboliques. George Sand s'amuse à promener notre petite Consuelo dans toute l'Europe et à la confronter à des puissants comme à des humbles. Elle joue aussi sur différents cadres : la ville et ses tentations, la campagne et ses pauvres hères, le château et ses fantômes... donnant à chaque aventure une teinte plus libertine, plus champêtre ou plus gothique. Loin d'être linéaire, ce roman initiatique est plutôt sinueux.

Au-delà des aventures de Consuelo, il est intéressant de lire ses réflexions sur l'art et la vocation, sur la façon dont la musique élève et guérit, ses débats intérieurs sur son devoir : doit-elle suivre son coeur ou ses talents ? Est-elle d'abord femme ou artiste ? D'autres sujets sont effleurés comme la condition des pauvres et des riches. La figure d'Albert, qui ne supporte pas la misère et passe sa vie à faire des aumônes, et celle du comte Hoditz, qui utilise ses gens comme autant d'acteurs, interroge sur l'ordre social du XVIIIe siècle (époque à laquelle se déroule cette histoire) et du XIXe. 

Dans cette oeuvre romantique très complète, George Sand joue sur tous les tableaux. Elle est à la fois romancière, philosophe, artiste, femme politique... Malgré ses côtés un peu lourds et très pédagogiques, ce roman n'en renouvelle pas moins mon regard sur George Sand et sur son oeuvre. Je n'imaginais pas son humour et son goût du pastiche, je connaissais sa passion pour les musiciens mais moins pour la musique, et je découvre une volonté politique plus vaste que de simplement revaloriser la paysannerie berrichonne aux yeux du monde !




Allez, je m'embarque pour la suite de ce roman, La comtesse de Rudolstadt.