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jeudi 10 décembre 2020

Les braises

Ce roman de Sandor Marai patientait depuis un certain temps sur ma PAL. Comme souvent avec cet écrivain, j'ai passé un très bon moment. 

Le général vient de recevoir un pli. Sur le champ, il ordonne que la maison reluise pour accueillir un mystérieux invité. A travers un flash back, on découvre le vieil homme enfant, fils d'une française et d'un officier d'Autriche-Hongrie. On suit Henri dans cette enfance solitaire d'enfant unique, entre des parents si différents, à l'école et à l'armée. Heureusement, il rencontre un ami, Conrad, duquel il est inséparable. 

Ce soir, c'est un vieillard qui s'apprête à revoir cet ami après 40 ans de séparation. Ambiance tendue, tout le monde sur son 31, c'est une soirée spéciale qui se prépare. Car l'ami en question a fui un beau matin, est parti vivre sous les tropiques sans dire au revoir, après une soirée en tous points identique à celle que veut lui faire vivre Henri. A l'époque, Christine, son épouse, était toujours vivante et il s'était passé quelque chose entre Christine et Conrad. Ce soir, le général veut connaitre la vérité. Et c'est une longue soirée qui se déroule, une soirée où l'on replonge dans le monde d'avant la Première Guerre mondiale où chacun appartenait à un camp différent. Une soirée d'un luxe que l'on imagine plus. Une soirée polie, sans éclats de voix, mais où la sourde détermination d'Henri ne fait pas de doute : il ira jusqu'au bout de ses questions. 


Un huis-clos où la tension grimpe progressivement, ferrant le lecteur qui a autant envie de savoir que le général. Un roman sur l'amitié servi par une plume délicate, attentive aux mouvements de l'âme. Vous avez compris : j'ai beaucoup aimé !


"Etre différent de ce que l'on est... est le désir le plus néfaste qui puisse brûler dans le cœur des hommes. Car la vie n’est supportable qu’à la condition de se résigner à n’être que ce que nous sommes à notre sens et à celui du monde. Nous devons nous contenter d'être tels que nous sommes et nous devons aussi savoir qu'une fois que nous aurons admis cela, la vie ne nous couvrira pas de louanges pour autant. Si, après en avoir pris conscience, nous supportons d'être vaniteux ou égoïstes, d'être chauves ou obèses, on n'épinglera pas de décoration sur notre poitrine. Non, nous devons nous pénétrer de l'idée que nous ne recevrons de la vie ni récompense ni félicitations. Il faut se résigner, voilà tout le grand secret"

lundi 13 juillet 2009

Paix à Ithaque !

Voilà un de mes livres swapomythiques (merci Kali !). Le message récent de Fashion n'a pas dû encourager les lecteurs à découvrir Sandor Marai et pourtant je ne peux que leur suggérer de jeter un oeil à ce titre.

Trois voix s'élèvent pour nous conter la suite de l'odyssée du valeureux Ulysse. Trois voix qui changent radicalement notre façon de voir le héros, roi d'une île où ne courent que les chèvres. La première à prendre la parole est Pénélope. Épouse fidèle, peut être trop sensible au charme des dieux, elle retrouve un époux suspicieux, sans repos, méfiant. Elle conte son exil et les derniers moments d'Ulysse. Puis Télémaque fait l'aède. Il a suivi les pas de son père, a croisé Calypso et Nausicaa et se retrouve époux de la dangereuse Circée. Le dernier monologue est celui de Télégonos, fils d'Ulysse et de Circée, nouvel époux de Pénélope. C'est un brigand, un parricide. Il a grandi près de la magicienne avant de courir le monde, de rencontrer le paresseux (et ivre) Ménélas et sa vieille Hélène, espérant croiser son père. Mortels et dieux ont perdu les couleurs éclatantes de l'épopée, c'est un monde plus nuancé qui s'offre à notre regard, plus triste aussi. Le temps du rêve est terminé. L'économie prime, la magie et les dieux s'estompent. Ce livre, plein d'anachronismes et de références à notre temps, laisse peut être entendre les inquiétudes de la paix et les réécritures de la guerre. Avec un style poétique, il interroge la figure d'un héros et sa construction mais ne demeure pas une simple réécriture, c'est un roman qui questionne son lecteur.