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jeudi 3 janvier 2019

Le Grand Coeur

Connaissez-vous Jacques Coeur, bourgeois, voyageur, Argentier et ami de Charles VII ? Peut-être avez-vous visité son joli palais à Bourges ? Pour ma part, c'est d'abord comme ça que j'ai entendu parler de lui, avant de découvrir ce roman de Rufin. 

Hotel Jacques Coeur, Bourges

Nous suivons toute l'histoire du ministre sous sa plume, alors qu'il est dans l'île de Chios, poursuivi par des personnes qui en veulent à sa vie. Cloitré dans une maison, il revient sur chaque étape. 
Fils de fourreur, il grandit avec les autres enfants de Bourges dans une atmosphère paisible malgré la guerre qui fait rage et c'est vite l'occasion pour lui de montrer son intelligence. Il remarque également la perte de pouvoir de la noblesse. 
Et puis Jacques se marie, se lance dans la monnaie, et se retrouve en prison. A sa sortie, départ pour l'Orient et naissance d'un plan de commerce international ! Dans une France encore ravagée par la guerre, il souhaite commercialiser des produits de tout l'Orient, de Flandres et d'ailleurs grâce à des comptoirs et des associés travailleurs. Mais au-delà, il souhaite se mettre sous la protection du roi et utiliser ses biens pour relever la couronne. Responsable à nouveau des monnaies puis grand argentier, Jacques fait pousser l'argent ! Des trésors passent entre ses mais, il est bien en Cour malgré une méfiance envers Charles VII. Conseiller du roi, ami des papes, il ne peut manquer sa jolie maîtresse, Agnès Sorel, dont il devient très proche. Et c'est un peu le début de la fin. Jalousé, créancier de tous, il est délaissé par le roi et doit fuir...


Une vie bien remplie, non ? Et surtout bien contée par Rufin, qui en fait un aventurier, un homme libre, qui croit en ses intuitions, ambitieux pour lui mais surtout pour les siens et son Royaume. L'auteur nous confie qu'il y a beaucoup de lui dans ce livre. C'est possible. Il a surtout mis un caractère sur un personnage historique un peu austère à première vue, millionnaire de son temps, homme de pouvoir et de rêves.

jeudi 23 juillet 2015

Check Point

Le dernier roman de Rufin dresse un portrait sombre de l'engagement humanitaire. Sur fond de guerre de Yougoslavie, il propose une course poursuite à travers la Bosnie. 

Cinq personnes s'engagent sur les routes d'Europe, direction la Bosnie en guerre. Dans leurs deux camions, des vêtements, des vivres et des médicaments pour venir en aide aux populations. Parmi les humanitaires, Maud, notre héroïne. Engagée récemment dans une association lyonnaise, c'est son premier déplacement sur le "terrain". Mais son enthousiasme de départ est bien vite remplacée par la méfiance et les tensions. Entourée d'hommes, militaires ou humanitaires, elle découvre que chacun a des motivations très différentes de celles des autres... Et ne va pas tarder à devoir prendre parti pour répondre à cette question : Faut-il aider les victimes à survivre ou leur apporter des armes pour se défendre ? Peut-on rester neutre dans un conflit ? Cela aurait pu être un vrai débat si le côté gros dur au cœur tendre de Marc n'avait fait pencher la balance... Mais bon, notre rebelle bobo est et reste naïve du début à la fin.


Ce roman tourne au thriller aux multiples rebondissements (parfois un peu faciles et attendus) à mesure que les camions passent les différents check-points et avancent dans le pays. Et les personnages, qu'on imaginait plus nuancés, se figent dans leurs rôles. C'est un peu dommage car tout devient alors très prévisible et se concentre plus dans l'action que dans l'analyse psychologique. Une déception pour moi que ce roman finalement pas très disert sur l'aventure humanitaire.

lundi 18 mai 2015

Immortelle randonnée

Croix Provins
Sous-titré "Compostelle malgré moi", ce récit de Jean-Christophe Rufin s'inscrit dans la lignée des innombrables récits jacquaires. On y retrouve les effets du chemin, qui épure les âmes, les joies d'un paysage inattendu et serein, d'un accueil chaleureux ou d'une rencontre. On y lit aussi les fatigues du pèlerin, la manne de kitsch et de babioles des marchands du temples ainsi que la disparition du chemin sous les autoroutes et le béton. 

Notre académicien choisit de rejoindre Compostelle par le Camino del Norte, celui qui longe un temps les côtes touristiques de l'Espagne, entre criques sauvages et stations balnéaires. Pourquoi cette envie ? Lui-même peine à l'expliquer. Mais mine de rien, le chemin l'attire. "En partant pour Saint-Jacques, je ne cherchais rien et je l'ai trouvé".
Rufin nous conte un chemin qu'il fait seul la plupart du temps. Quelques pèlerins s'invitent dans son voyage mais, campant dehors, il évite la promiscuité des dortoirs et les rencontres qui en découlent. Il ne fait pas le chemin pour trouver l'âme sœur, comme beaucoup. Il se réjouit de s'égarer, solitaire. 

Rufin décrit très justement les transformations du marcheur et la catharsis qui s'opère en lui. D'abord assailli par ses pensées, il s'y livre joyeusement. Mais le corps râle vite et s'exprime par de multiples bobos : ampoules, tendinites, maux de dos... L'esprit tente de gagner sur le corps, en imposant au marcheur des réflexions sur des sujets spécifiques mais il échoue. Le corps s'obstine, l'attention s'égare : la détresse s'empare du pèlerin. Mais ne le perd pas. Car c'est à ce moment que la transcendance prend le dessus. Le passage à une approche plus spirituelle du chemin l’élève au dessus de son corps. Jusqu'au vide : "J'étais un être nouveau, allégé de sa mémoire, de ses désirs et de ses ambitions". 

Ce voyage lui permet de poser quelques réflexions sur ce qui habite le pèlerin, à la fois physiquement et spirituellement : "Curieux sentiment qui habite le pèlerin : être un infiniment petit et chérir cette humilité, au point d'y voir presque un péché d'orgueil". Et surtout de constater ce qu'il a pu tirer de ce pèlerinage. Souvent les récits jacquaires se terminent à Compostelle. Celui-ci ne déroge par à la règle mais il prend tout de même le temps de relire cette expérience : "C'est une erreur ou une commodité de penser qu'un tel voyage n'est qu'un voyage et que l'on peut l'oublier, le ranger dans une case". Et voilà ce qui a pu changer : "Pendant plusieurs mois après mon retour, j'ai étendu la réflexion sur mes peurs à toute ma vie. J'ai examiné avec froideur ce que littéralement je porte sur le dos. J'ai éliminé beaucoup d'objets, de projets, de contraintes. J'ai essayé de m'alléger et de pouvoir soulever avec moins d'efforts la mochilla de mon existence". 

Un récit de voyage à la fois très vivant et très intime, qui donne envie de prendre aussi la route, de se détacher de ce qui nous encombre, de prendre le temps de marcher, de laisser les jours filer dans un effort et l'endurance...

Quelques extraits choisis : 
"En luttant contre la suprématie religieuse, ces consciences libres ont fait émerger un nouvel homme plein d'orgueil qui prétend s'affranchir de la foi, de ses mystères et de ses règles, d'une part, et, de l'autre, de ses instincts primitifs, des appétits brutaux et du règne de la force. Cet homme moderne a proliféré à tel point qu'il a substitué à l'empire de l'Eglise celui de ses propres instruments : la science, les médias, la finance. Il a fait disparaître l'ordre ancien. Et dans le nouveau, les paysans n'ont pas plus leur place que les moines".

"Rien n'est plus triste qu'un lieu où l'on a tant prié et que Dieu a si cruellement laissé tomber"

D'autres récits sur ce chemin :