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vendredi 10 décembre 2021

A suivre...

Cet ouvrage est celui d'une expérience photographique, artistique et littéraire de Sophie Calle. Dans Leviathan de Paul Auster, l'écrivain imagine le personnage de Maria, inspiré de Sophie. L'artiste décide alors de suivre les rituels du personnage et de vivre certains passage du livre. Un projet à la fois fou et simple : après tout, il n'y a qu'à suivre les indications. Dans la réalité, qu'est-ce que ça donne ?

Un livre en trois partis dont le point commun est la filature. Dans Préambule, on entre dans le carnet de Sophie via des photos de celui-ci. Ce carnet contient des textes datés, décrivant les filatures effectuées et les photos des personnes suivies. Dans la Suite vénitienne, Sophie décide de suivre Henri B. dont elle sait qu'il va passer du temps à Venise. Elle met d'abord un certain temps à le retrouver puis réussit à le suivre régulièrement avant de se faire reconnaitre. Dans La filature, c'est elle-même qui est suivie et qui débusque régulièrement le détective engagé. 

Une expérience étonnante, un peu malsaine, qui interroge sur la liberté.



lundi 18 janvier 2021

Un homme remarquable

Simon Darcourt s'est engagé dans la rédaction d'une biographie de Francis Cornish pour le lancement de la fondation Cornish. C'est Arthur Cornish, banquier, héritier et neveu de Francis, qui dirige l'affaire. Hélas, ce n'est pas si simple car Francis était plutôt secret et "sous l'influence de Mercure" comme le rappellent les astrologues du roman. Observateur et messager, trompeur et radin, mais aussi très droit et tourmenté par sa morale... Voilà un drôle de personnage. Si les hommes ne peuvent le percer à jour, Zadkiel et Meimas, un ange et un daimon (au sens platonicien et chrétien), peuvent se repasser sa vie. C'est donc ce qu'ils vont faire, en commentant de temps à autres les chemins pris par Francis.

Saraceni, Judith et Holopherne
Ils débutent l'histoire avec les parents et grands parents de Francis, à Blairlogie, une petite bourgade canadienne où Francis voit le jour après un grand frère idiot. Il s'intéresse très jeune à l'art et au dessin, sous l'influence de sa tante Mary-Ben, la seule à se soucier de lui et de son âme. Son père le souhaite protestant alors que les McRory, famille de sa mère, sont catholiques. Voilà déjà une des lignes de tension qui construit le jeune garçon. Toujours amoureux du dessin, il grandit, va à Oxford, se fait recruter, comme son père, par les services secrets. Il se fait avoir par la femme qu'il aime avant de s'engager plus avant dans le monde de l'art, sous la tutelle de Saraceni, un grand restaurateur de tableaux de maîtres anciens. C'est là qu'il découvre véritablement sa voie, jusqu'à devenir l'expert et le collectionneur que connaissent ses amis et héritiers. 

Biographie d'un héros rarement sympathique mais intéressant, le roman est assez bavard, touche à l'astrologie, aux symboles artistiques et aux questions religieuses, ce qui lui donne à la fois un fond assez profond mais aussi pas mal de lourdeur. Je regrette aussi que l'ange et le démon ne soient que des commentateurs, avec humour certes, de la vie de Francis. C'est donc un roman du canadien Robertson Davies que j'ai apprécié mais dont je ne retiendrai pas grand chose. 

jeudi 24 septembre 2020

Sorties de l'été

On commence par des expos avec une journée au musée de l'Homme ! Oui, c'était pendant l'été, la plupart des expos sont terminées.

Je mange donc je suis

Mangez avant d'aller voir cette expo, elle risque de vous donner faim. On y parle d'alimentation, de cuisine, de nourriture bien entendu. Tout commence avec nos goûts et un rapide retour sur l'alimentation préhistorique puis on découvre des éléments culturels, sociaux et religieux. Car manger nourrit le corps mais aussi l'esprit à travers des rites. C'est aussi un élément social et culturel, de la cuisine à la table, qui parle de nos quotidiens. Enfin, un dernier temps est consacré à la production de la nourriture, challengeant nos perceptions de ce qu'on mange : est-ce que c'est mieux bio, local ou autres ? Est-ce qu'on est prêt à manger des insectes ou de la nourriture lyophilisée ? 

Expo intéressante, partant un peu tous azimuts, à trop embrasser, elle ne saisit pas grand chose. Tout est survolé. C'est une porte d'entrée qui donne envie de développer des dizaines de sous-expos autour de la nourriture-culture, de la nourriture-sociale, de la nourriture-religieuse, de la nourriture-produit, de la nourriture-future... 


Dernier repas à Pompéi

Après "Je mange donc je suis", une expo dédiée à la nourriture à Pompéi, montrant essentiellement des restes d'aliments carbonisés. Organisée comme une domus avec ses pôles liés au repas : taberna, culina et triclinum, l'expo présente des denrées alimentaires avec quelques recettes, laissant entrevoir une partie de la gastronomie romaine. 

 

Etre beau

Expo photo rapide sur la norme, le handicap et l'image de soi par Frédérique Deghelt, écrivaine et Astrid di Crollalanza, photographe. Un peu trop courte !


Puis petit tour à l'ouest avec trois expos bien différentes. 

A Capella 

Etonnant de voir un street artist exposé dans une chapelle ! C'est le cas de Seth à Saint Malo. Photos d'œuvres en Chine, en Inde et ailleurs, toiles, installations, carnets de voyages, tous types de médias sont présentés. J'ai aimé les clins d'yeux constants entre les installations, les photos, les objets, qui permettent d'entrer dans un univers. 


Archipel, Fonds de dotation Jean-Jacques Lebel à Nantes

L'expo du musée des beaux-arts de Nantes est celle d'une collection qui part tous azimuts. Oeuvres du 20e et 21e siècles, regroupées par artiste ou par courant artistique, elles forment des archipels d'art. On part à la découverte d'œuvres du surréalisme, dadaïstes, de Fluxus etc. Rien de bien marquant si ce n'est la richesse de la collection. 

Raoul Dufy (1877-1953), les années folles

Au musée des beaux arts de Quimper, j'ai pu découvrir des oeuvres de Dufy issues d'une collection particulière. La première partie s'attache surtout à des paysages, bords de mer, scènes parisiennes tandis que la suite tourne autour de la couture et des arts décoratifs. Je me suis régalée de ses motifs, utilisés en couture ! 



Un petit tour au Palais de Tokyo pour découvrir des expos qui m'ont laissée sur ma faim.

Ulla von Brandenburg : Le milieu est bleu

Jeu de rideaux et d'apparence, façon théâtre, de tissus, de couleurs franches, de nasses à poissons géantes, de personnages étranges, jusqu'à un genre d'opéra entre scène et forêt, j'avoue n'y avoir rien compris. Mais j'ai trouvé ça plutôt joli... Ce qui n'est pas assez pour apprécier une expo malheureusement. 

Notre monde brûle

Cela raisonne écologie, non ? Eh bien pas seulement. C'est aussi une réalité politique, celle des printemps arabes, des guerres, des migrations qui est au cœur de cette expo. Oeuvres d'artistes variés, du Moyen Orient et d'Afrique, dialoguent. Il y est question de perte, deuil, pillage et déplacement, de colonisation et d'influence. Seul regret, assez peu de dialogue entre certaines œuvres. 

Après les musées, passons aux salles obscures...

Tenet

Tout le monde a déjà parlé du film de Nolan, non ? J'ai aimé les jeux sur le temps et l'entropie, ça fait un peu mal à la tête mais c'est bien pensé. Et c'est un bon film d'action. Mais beaucoup moins bluffant qu'un Inception pour moi. 


Le capital au XXIe siècle

Je n'ai toujours pas lu la somme de Piketty, qui reste sagement sur ma PAL, mais j'ai vu le film. C'est un documentaire agréable à regarder, facile d'accès et qui investit sur la culture pop et ciné pour faire comprendre les inégalités. Des paroles d'experts viennent étayer tout cela, historiquement et économiquement. Malheureusement, il manque d'éléments économiques et de propositions concrètes à mes yeux. Disons que c'est un bon appetiser !


En Avant

Sympathique petit dernier de Disney qui met en scène un monde où la magie disparait. Deux frères se mettent en quête de cette magie pour retrouver leur père. Touchant et drôle, un bon mélange !


Adolescentes

Emma et Anaïs sont deux adolescentes de 13 ans. Amies, elles vont au même collège à Brive. Elles seront suivies par le réalisateur jusqu'à leurs 18 ans. Au-delà de la vie personnelle des deux jeunes filles, ce sont leurs familles et leurs milieux sociaux qui transparaissent à l'écran. J'avoue m'être plutôt ennuyée devant ce documentaire, malgré quelques rires. Les garçons qui m'accompagnaient ont bien aimé.


West Side Story de l’Amazing Keystone Big Band au Bal Blomet

Premier concert depuis le confinement. Que ça fait du bien ! Surtout quand l’Amazing Keystone Big Band propose une réécriture de West Side Story. Un ensemble de 17 musiciens, tous meilleurs les uns que les autres, qui rajeunit et jazzifie la comédie musicale avec trois chanteurs épatants et un conteur. Voilà qui donne envie d'aller plus souvent dans cette magnifique salle !

jeudi 6 août 2020

La défaite de la pensée

C'est la première fois que je lis Finkielkraut, dont cet ouvrage traînait dans ma PAL, souvenir de mes études d'histoire de l'art et des débats sur la démocratisation culturelle. Interrogeant la notion de culture, d'exercice de la pensée à l'esprit d'un peuple, le volkgeist, au tout culturel, notre auteur propose une analyse de cette évolution dans le monde occidental. Vous le comprenez par le titre, il n'est pas très heureux de cette évolution, qui tend à mettre la mode au même niveau que Shakespeare !
Il oppose initialement les Lumières, qui proposent un universalisme comme absolu dans lequel l'homme adhère à des principes, et le volkgeist du romantisme où l'homme est régi par ses racines et ses origines. C'est cette opposition qui va nourrir tout le livre. Puis, il s'intéresse à cette notion avec la colonisation et la décolonisation ainsi que le regard ethnologique porté sur les cultures non occidentales. Là, ça devient un peu plus tendu. L'occident aurait renoncé à son universalisme, synonyme de prééminence, et renoncé à différencier civilisation et barbarie. C'est la porte ouverte au relativisme. Et quand on passe à la question de la culture dans le monde contemporain, le tout-culturel, le jeunisme et le relativisme absolu sont examinés avec plus d'ironie que d'objectivité. Ce qui discrédite un peu l'auteur qui semble s'enferrer dans une lecture réactionnaire du monde. Mais il a le mérite de questionner sur ce que signifie culture, sur ce qu'on attend de la culture aujourd'hui : être un lieu de consommation ou d'élévation ? De questionner ce qui définit l'humanité peut-être.
L'ouvrage est composé de 4 parties et d'une conclusion "le zombie et le fanatique". Quelques citations pour vous mettre dans le sujet : 

I. L'enracinement de l'esprit

"Au lieu de soumettre les faits à des normes idéales, il montre que ces normes elle-mêmes ont une genèse et un contexte, bref qu'elles ne sont rien d'autre que des faits [...] Il n'y a pas d'absolu, proclame Herder, il n'y a que des valeurs régionales et des principes advenus [...] S'il met tant de fougue à constituer les principes transcendants en objets historiques, c'est pour leur faire perdre, une fois pour toutes, le pouvoir d'intimidation qu'ils tirent de leur position suréminente"
"Une tolérance généralisée sera atteinte le plus surement si on laisse en paix ce qui fait la particularité des différents individus humains et des différents peuples, tout en restant convaincu que le trait distinctif de ce qui est réellement méritoire réside dans son appartenance à toute l'humanité" Goethe

II. La trahison généreuse

"L’ignorance sera vaincue le jour où, plutôt que de vouloir étendre à tous les hommes la culture dont on est dépositaire, on saura faire le deuil de son universalité ; où, en d’autres termes, les hommes dits civilisés descendront de leur promontoire imaginaire et reconnaîtront avec une humble lucidité qu’ils sont eux-mêmes une variété d’indigènes [...] Le barbare, ce n’est pas le négatif du civilisé, « c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie », et la pensée des Lumières est coupable d’avoir installé cette croyance au cœur de l’Occident en confiant à ses représentants l’exorbitante mission d’assurer la promotion intellectuelle et le développement moral de tous les peuples de la terre."
"Cultiver la plèbe, c'est l'empailler, la purger de son être authentique pour la remplir aussitôt avec une identité d'emprunt, exactement comme les tribus africaines se retrouvent affublées d'ancêtres gaulois, par la grâce du colonialisme. Et le lieu où s'exerce cette "violence symbolique" est celui-là même que les philosophes des Lumières ont érigé en instrument par excellence de libération des hommes : l'école."

III. Vers une société pluriculturelle ?

"Autre caractéristique des temps modernes européens : la priorité de l'individu sur la société dont il est membre. Les collectivités humaines ne sont plus conçues comme des totalités qui assignent aux êtres une identité immuable, mais comme des associations de personnes indépendantes"
"Dans notre monde déserté par la transcendance, l'identité culturelle cautionne les traditions barbares que Dieu n'est plus en mesure de justifier. Indéfendable quand il évoque le ciel, le fanatisme est incritiquable lorsqu’il se prévaut de son ancienneté, et de sa différence. Dieu est mort, mais le Volksgeist est fort. C'est pourtant contre le droit d’aînesse, coutume fortement enracinée dans le sol du Vieux Continent, que les droits de l'homme ont été institués, c'est aux dépens de sa culture que l'individu européen a conquis, une à une, toutes ses libertés, c'est enfin, et plus généralement, la critique de la tradition qui constitue le fondement spirituel de l'Europe, mais cela, la philosophie de la décolonisation nous l'a fait oublier en nous persuadant que l'individu n'est rien de plus qu'un phénomène culturel"

IV. Nous sommes le monde, nous sommes ses enfants

"Ce n'est plus la grande culture qui est désacralisée, implacablement ramenée au niveau des gestes quotidiens accomplis dans l'ombre par le commun des hommes - ce sont le sport, la mode, le loisir qui forcent les portes de la grande culture. L’absorption vengeresse ou masochiste du cultivé (la vie de l’esprit) dans le culturel (l’existence coutumière) est remplacé par une sorte de confusion joyeuse qui élève la totalité des pratiques culturelles au rang des grandes créations de l’humanité"
"Nulle valeur transcendante ne doit pouvoir freiner ou même conditionner l'exploitation des loisirs et le développement de la consommation"

Le zombie et le fanatique

"La barbarie a donc fini par s'emparer de la culture. A l'ombre de ce grand mot, l'intolérance croit, en même temps que l'infantilisme. Quand ce n'est pas l'identité culturelle qui enferme l'individu dans son appartenance et qui, sous peine de haute trahison, lui refuse l'accès au doute, à l'ironie, à la raison - à tout ce qui pourrait le détacher de la matrice collective, c'est l'industrie du loisir, cette création de l'âge technique qui réduit les œuvres de l'esprit à l'état de pacotille (ou, comme on le dit en Amérique, d'entertainment). Et la vie avec la pensée cède doucement la place au face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie"


lundi 20 juillet 2020

Le grand soir

Yes, les sorties de PAL se poursuivent avec ce roman de François Dupeyron, présent dans depuis des années sur mon chevet et dévoré en une soirée. 

Connaissez-vous Gustave Courbet, ce peintre vivant et gouailleur ? Ce roman est l'occasion de le rencontrer, au soir de sa vie, alors qu'il s’émeut de la ressemblance d'une prostituée avec sa belle irlandaise, Jo. Et il plonge dans ses souvenirs, ceux de son amour pour la belle rousse, qu'il peint sous de nombreux angles, et qui l'a quitté il y a bien longtemps. C'est aussi un retour dans sa peinture, son musée Courbet, et surtout la Commune, ses amours avec Adèle et son engagement politique. 

Bien sûr, c'est un homme fatigué, déçu et ruiné, encore un peu ivre de la veille qui nous parle. Un homme mis en prison pour avoir demandé la démolition de la colonne Vendôme qu'il doit désormais rembourser. Un exilé qui n'arrive plus à peindre. Un petit garçon qui cherche toujours l'approbation de son père ou du moins un peu de tendresse. C'est cette variété que nous offre ce livre, sous le rythme rapide et argotique de Courbet. Ce n'est pas vraiment une biographie, ce n'est pas complètement romancé... à vous de voir !


J'ai aimé l'évocation de la Commune, les passages qui concernent la peinture. Le style n'est pas mon préféré mais j'ai réussi à m'y faire... Sympa pour ceux qui aiment ce peintre !

lundi 30 mars 2020

Refuge

Sous-titré Dans l’intimité de l'exil, cet ouvrage de Bruno Fert suit les parcours de migration. Des camps à un nouvel habitat, sur la route ou dans le pays d'accueil, le photographe s'intéresse à la façon d'habiter quand on quitte son pays.

Chaque photo d'habitat en couleurs est liée à la photo en noir et blanc de la personne ou de la famille qui habite le lieu, avec un petit texte qui nous en dit plus sur son identité, son histoire, son rêve. Les lieux sont vides d'hommes, ils comportent souvent un matelas ou une couverture, comme si c'était là le premier signe d'habitation. Selon les endroits, il peut y avoir des murs, une cuisine, un bureau... Mais c'est que déjà la route touche à sa fin. De l'Aquarius à la France, de la Grèce à l'Italie, on rencontre des hommes, des femmes, des enfants qui ont quitté leurs maisons et comment, dans les espaces les moins hospitaliers, chacun tente de recréer un chez soi. 

C'est sobre, c'est beau, c'est divers, c'est une belle façon de redonner aux exilés une dignité, une parole et un point d'accroche avec les populations des pays qui les accueillent bien mal !


jeudi 30 mai 2019

L’ombre de nos nuits


C’est ma première lecture d’un roman de Gaëlle Josse. Je crois que ce ne sera pas la dernière. A travers ce récit à trois voix, entre Georges de La Tour, son apprenti et une jeune femme, nous plongeons dans l’art et la passion qui dévorent. Au cœur du livre, un tableau du maître, Saint Sébastien soigné par Irène. C’est autour de lui que se nouent les récits et les souvenirs.

De l’idée du tableau à sa présentation à Louis XIII, nous voilà aux côté du peintre Georges de La Tour, dans sa maison de Lunéville, avec sa famille et son jeune apprenti. Autour d’eux, c’est la guerre, la peste et la famine mais rien ne transparaît ou presque dans le cocon de l’atelier de l’artiste. Il y a du feu dans la cheminée, des pigments ocres et bordeaux.

La découverte du tableau dans le musée de Rouen, par une femme entre deux trains, lui évoque les souvenirs d’un amour intense, violent et malade. La passion pour un homme blessé comme le saint, sur lequel elle s’est penchée, s’oubliant dans la tâche d’aimer et de soigner le blessé.

Jeu d’ombres et de lumière, récit entrelacé de sensibilité et de finesse, c’est une joie de lectrice que de découvrir de tels trésors !

« La capacité d’oublier est peut-être le cadeau le plus précieux fait aux hommes. C’est l’oubli qui nous sauve, sans quoi la vie n’est pas supportable. Nous avons besoin d’être légers et oublieux, d’avancer en pensant que le meilleur est toujours à venir. Comment accepter sinon de vivre, sidérés, transis, douloureux, percés de flèches comme cet homme qu’une femme aimante tente de soigner ? »
« Ce regard. C’est ainsi que nous devrions nous y prendre avec les autres, avec cette attention de dentellière penchée sur son carreau, à regarder naître son motif sous ses doigts, et rien d’autre »
« Si l’amour ne s’accompagne pas d’une totale confiance, il n’est pas. Il est aventure, parenthèse, emballement, caprice, arrangement, plaisir, loisir. Croire en l’autre suppose l’abandon de nos résistances, de notre défiance. Don total qu’on veut croire réciproque. Si, à l’instant de la rencontre, cela n’est pas, nous ne savons pas aimer. Si notre voix ne vacille pas, ne tremble pas, comme tout notre être vacille et tremble, nous ne savons pas aimer »
« J’ai passé le week-end seule, au milieu de ce que j’aimais le plus au monde, et tout cela n’avait plus de sens. J’étais expulsée de mon propre paradis, parce que je ne pouvais le partager avec toi, et que tu ne désirais pas le connaitre »

lundi 6 août 2018

Le musée, demain

C'est un tout petit ouvrage qui rassemble des articles de Umberto Eco et Isabella Pezzini sur l'avenir du musée. A vrai dire, je n'ai rien appris de fou en lisant cet ouvrage et j'ai même trouvé les idées peu originales.

 Les deux articles sont intitulés : "Le musée du troisième millénaire" et "Sémiotique du nouveau musée".

Umberto consacre une bonne partie de l'article à l'histoire des musées et des collections, entre archivage et exposition, entre sacré et profane, entre œuvres et architecture tandis qu'Isabella s'attache plus au présent. J'ai noté quelques éléments. Mais je trouve l'ensemble très condescendant !

"Moi, collectionneur de livres anciens [...] je suis heureux d'en posséder tant, mais chaque visite n'est consacrée qu'à un seul, et quand j'y touche, je remonte au temps de sa découverte. C'est ainsi qu'on échappe au syndrome de Valéry, en connaissant l'histoire publique et privée de tous les individus d'une collection"
"L'objectif vertueux des premiers musées est de soustraire l'objet à la possession individuelle et au circuit commercial pour le transformer en bien inaliénable réservé à tous les citoyens. Mais, en devenant démocratique, le musée crée rapidement un public qui souffre, d'une façon moins culte et plus instinctive, le syndrome de Valery [...] Quelques années après leur création, ces instruments d'information et d'éducation étaient devenus des lieux de pèlerinage admiratif pour les curieux qui avaient bien du mal à comprendre ce qu'ils voyaient". 
"Le triomphe du container sur les oeuvres n'est pas seulement un phénomène de notre époque. J'imagine que les premiers visiteurs du Louvre, musée arraché à la famille royale, y entraient, non pas tant pour admirer les oeuvres d'art, que pour mettre les pieds, pour la première fois, dans le palais jusqu'alors interdit au peuple"
"Trop d'oeuvres, chacune différente des autres, toutes fatalement hors contexte, fatiguent les yeux et l'esprit. Mais un itinéraire qui me conduirait à entrer véritablement dans une oeuvre, ferait de cette visite au musée une expérience mémorable"
"Le musée met l'accent sur son caractère d'idole métropolitaine, capable de conférer une grande reconnaissance à des lieux en quête d'une identité perdue ou qui comptent devenir ou redevenir un point de référence pour les masses touristiques et cosmopolites des voyageurs de la société de loisirs"
"Il envisageait le nouveau musée comme un espace public total"
"Un espace public caractéristique d'une époque où le spirituel et la consommation sont inextricablement liés"

Ce qui est chouette, c'est que ça m'a permis de replonger dans "Le problème des musées" de Valéry mais l'ensemble reste décevant :

"Je suis dans un tumulte de créatures congelées, dont chacune exige, sans l'obtenir, l'inexistence de toutes les autres [...] C'est un paradoxe que ce rapprochement de merveilles indépendantes mais adverses, et même qui sont le plus ennemies l'une de l'autre, quand elles se ressemblent le plus [...] L’oreille ne supporterait pas d’entendre dix orchestres à la fois. L’esprit ne peut ni suivre, ni conduire plusieurs opérations distinctes, et il n’y a pas de raisonnements simultanés. Mais l’œil, dans l’ouverture de son angle mobile et dans l’instant de sa perception se trouve obligé, d’admettre un portrait et une marine, une cuisine et un triomphe, des personnages dans les états et les dimensions les plus différents ; et davantage, il doit accueillir dans le même regard des harmonies et des manières de peindre incomparables entre elles [...] Mais notre héritage est écrasant. L’homme moderne, comme il est exténué par l’énormité de ses moyens techniques, est appauvri par l’excès même de ses richesses. Le mécanisme des dons et des legs, la continuité de la production et des achats, – et cette autre cause d’accroissement qui tient aux variations de la mode et du goût, à leurs retours vers des ouvrages que l’on avait dédaignés, concourent sans relâche à l’accumulation d’un capital excessif et donc inutilisable"


mercredi 4 juillet 2018

Junya Ishigami, Freeing Architecture

Voilà des années que je n'avais pas mis les pieds à la fondation Cartier ! Mais les jolies affiches m'ont convaincue.

Cette expo est consacrée à l'oeuvre de Junya Ishigami, architecte japonais et présente de nombreuses maquettes qui sont autant de petits bijoux. Architecture laissant sa place à la nature, qui dialogue avec elle ou permet de la découvrir tout autre avec les projets de Tochigi, qui déplace une forêt, ou de House of peace, un igloo sur l'eau. Architecture cherchant à se faire oublier comme les villas pour Dali qui jouent sur un étonnant champ de rochers, qui dessinent des murs minéraux ouverts sur la nature et la rivière. Architecture ludique et poétique, jouant avec des lignes douces, notamment dans des projets pour les enfants, de la crèche au jardin. Architecture jouant sur l'ancien et le moderne avec cette maison de retraite où chaque maison ancienne est unique et vient d'un lieu différent des autres, proposant un rapprochement étonnant. On croise aussi un édifice religieux gigantesque à Rizhao, au milieu de la nature, où les hommes sont minuscules.

Chaque maquette, dessin, photo ou vidéo est l'occasion de s'émerveiller de cette nouvelle architecture, qui fait tomber les murs, les toits, les supports pour les repenser plus libres, plus fluides, en accord avec leur environnement.

Junya Ishigami, Forrest Kindergarten, Shandong, Chine

Junya Ishigami, Forrest Kindergarten, Shandong, Chine

Junya Ishigami, Forrest Kindergarten, Shandong, Chine

Junya Ishigami, Tochigi

mercredi 21 février 2018

Human flow

J'attendais avec impatience la sortie en salle de ce film d'Ai Weiwei et quelle ne fut pas ma surprise de le voir si peu distribué. Même à Paris ! ça me parait dingue surtout que le sujet du film est d'actualité. Les migrations, c'est quand même un thème qui intéresse, non ? Le bon côté de tout ça ? J'ai découvert des cinémas, certes un peu loin de chez moi, mais qui ont une sélection intéressante. 

Et le film en lui-même ? J'en sors un peu mitigée. C'est (très/trop) esthétique, avec un peu trop de drones parfois. C'est divers, on passe du Bangladesh au Kenya, à la Grèce, au Mexique, etc. Ce n'est pas trop bavard. C'est documentaire avec des interviews de représentants du HCR ou d'autres ONG. C'est proche des réfugiés, enfin de certains, avec des interviews et des scènes de camps ou de sauvetage. Mais... c'est aussi très autocentré, on voit beaucoup trop Ai Weiwei. On comprend à la fin que ça sert presque uniquement à justifier les échanges avec la police américaine mais c'est à la limite de l'indécent parfois (femme qui vomit). Et c'est un peu long, il y a des rush qui méritaient d'être coupés, qui se répètent, qui n'apportent pas grand chose alors que d'autres choses semblent manquer : l'Afrique est peu présente en images alors que le nombre de réfugiés qu'elle abrite est énorme. L'Asie est oubliée, à part quelques images du Bangladesh et des Rohyngas. Bref, c'est un peu brouillon alors que les chiffres, les interviews, la diversité des lieux tendait à nous faire croire à un film exhaustif. Malgré ces critiques et les limites de l'exercice, une chose est sûre : ces situations nous paraissent intolérables. Que penser de ces familles entassées à la frontière macédonienne ? De ces réfugiés installés hors de leur pays depuis 25 ans et plus ? De ces personnes qui traversent les mers au risque de leurs vies ?


Images de misère et d'ennui, de destruction et de fuite se mêlent dans un gigantesque kaléidoscope où les hommes et les responsabilités sont diluées, où tout se mélange... 

vendredi 12 janvier 2018

Le verre, un Moyen Âge inventif

Elle vient de se terminer. Mais je n'ai malheureusement pas pris le temps avant de vous parler de cette expo du musée de Cluny sur cette technique. 

Le verre, ce n'est pas nouveau au Moyen Age. Les civilisations antiques gèrent déjà bien. Mais le Moyen Age apporte son lot d'inventivité et de renouveau. Avec de très belles pièces, des vitraux aux verres à pied, ou d'autres moins esthétiques mais plus utiles, comme les urinoirs et les lunettes, c'est un parcours par usages et chronologique qui nous est proposé. 

Après une petite partie technique (chouette vidéo), on passe assez vite au vitrail qui orne les églises. Évolutions des couleurs, avec leurs teintes profondes. On peut aussi admirer quelques jolis exemples des usages du verre dans l'ornement et l'émail. Puis l'on découvre les verres de table, les gobelets et les coupes, ces verres creux, souvent prestigieux. Comme Dieu, les tables des princes méritent ce beau matériau. Mais il sert aussi aux scientifiques et aux médecins pour étudier les humeurs du corps. Fascinant par sa transparence, ses qualités réfléchissantes, il est aussi représenté par les peintres comme un morceau de choix. 

Expo intéressante mais manquant un peu de contenu à mon goût (peu de cartels bien étoffés), elle vaut certainement le coup que l'on s'intéresse à son catalogue. Mais elle demeure bien moins passionnante à mes yeux que ce qu'on a l'habitude de voir à Cluny.


jeudi 12 octobre 2017

L'ensorceleuse

Ce roman d'Elizabeth Hand traîne depuis des années lumières dans ma PAL ! J'avais peur de retrouver un nouveau Possession, et je n'étais pas prête à affronter un tel ennui. Et puis, le titre me faisait peur : Mortal love ou L'ensorceleuse, dans quelque langue que ce soit, ça peut annoncer un truc très très moyen. En fait, rien à voir !
Avec ce roman, c'est la féérie qui entre dans le monde, en prenant son temps.

A travers divers personnages masculins, entre le XIXe siècle et nos jours, nous croisons une femme, les cheveux auburn, l'apparence un peu masculine, les yeux verts irisés, aux senteurs de pomme. Tous en sont toqués. Attachés de près ou de loin aux préraphaélites, ces artistes célèbrent et peignent éternellement cette même femme. 

Parmi les personnages que nous rencontrons, certains prennent plus d'importance que d'autres. Comme Daniel, ce journaliste qui étudie l'histoire de Tristan et Iseult, et rencontre Larkin, une femme qui ressemble furieusement à celle décrite plus haut. Ou Radborne, un dessinateur américain.
Jouant avec les contes de fées, les liens entre les mondes et l'univers de préraphaélites, Hand tisse une histoire d'amour et de désir. Mais reste toujours à la limite du féérique. Il y a des éblouissements, des hallucinations, bref, des éléments qui nous plongent dans un autre monde. Il y a aussi des références à des poèmes, à des contes, à des tableaux. Mais tout reste un peu flou et obscur, à double sens. C'est à la fois agréable et un peu frustrant. Que sait-on finalement, de cette femme et de son monde une fois la dernière page tournée ? Il nous reste des livres, des tableaux... 

Un roman parfois brouillon, qui explore beaucoup de pistes qu'il n'exploite peut-être pas assez, qui compte un peu plus de pages que nécessaire, mais qui entraîne malgré tout son lecteur, qui l'intrigue (et le frustre un peu). Bref, une promenade auprès d'une fée insaisissable, pour les amateurs de contes, d'Angleterre et de XIXe siècle.
 

mercredi 27 septembre 2017

Austrasie. Le royaume mérovingien oublié

Tadadada ! Non, c'est pas trop pompeux ce titre ? J'ai l'impression qu'on va voir une série plus qu'une expo ! 
Boucle de ceinture, moselle, 6e siècle, alliage cuivreux

Au cœur du château de Saint-Germain-en-Laye, dans le labyrinthe des salles perdues, vous trouverez, pour les plus téméraires, un trésor d'expo. Chevaliers au coeur pur only ! En bref, c'est la première à droite après le portique vigipirate.

Là, vous découvrirez ce qu'est l'Austrasie, zone qui recouvrait l'est de la France, la Belgique, le Luxembourg, une partie de l'Allemagne et quelques autres régions (ben oui, la géographie est assez peu stable dans le temps. Une 'tite guerre, un problème d'héritage et paf, tu perds des terres). Accessoirement, vous réviserez, car vous avez bien entendu appris tout ça à l'école, vos rois de France. Clovis, Thierry, Clotaire, Childebert, etc. Et puis, vous observerez quelques objets archéologiques par-ci, par-là. Ils sont parfois décrits avec des termes très accessibles comme "ardillon". Heureusement, il y a un glossaire pour les incultes ! Vous ferez attention aussi, car des fac-similés se cachent dans l'expo. Et ça c'est vraiment pas cool, ça te donne limite envie de visiter les musées sur G...Art.

La prochaine épreuve ? Elle ne vient pas tout de suite. Vous découvrez les objets de fouille, quelques céramiques, des pierres gravées, des boucles de ceinture ou d’aumônières, quelques armes. Vous croisez une partie super développée sur l'étude des os humains (trépanations, fractures et autres réjouissances). Un spécialiste dans l'équipe ? Et à côté de ça, des dispositifs un peu surprenants de médiation autour des parfums, des céréales, qui prennent pas mal de place et nous laissent entendre qu'il n'y a pas grand chose de plus à dire ou à montrer. 

Le tout se termine sur la légende noire de l'Austrasie (enfin, du Haut Moyen Age en général) avec quelques représentations XIXe, des extraits de séries (Viking et Game of Throne, quelle originalité) et des petits portraits de rois (oh, fac-similés aussi). 

Bref, une expo qui aurait pu être intéressante si elle n'avait hésité sans cesse entre l'ultra-spécialisation et l'ultra-démocratisation, entre l'objet archéologique pas très intéressant si on ne l'explique pas, le bel objet (mais qui réduit inévitablement la vision de l'époque) et le fac-similé qui frustre le rapport à l'objet... Bref, l'Austrasie en sort à peine un peu plus connue.

jeudi 21 septembre 2017

Portraits de Cézanne

Cezanne, Vieille au chapelet
C'est en juillet dernier que j'ai visité cette expo au musée d'Orsay et, voyant la clôture arriver, je m'empresse de vous en dire quelques mots. Comme son titre l'indique, cette expo est dédiée au genre très classique du portrait, le gagne pain des peintres. Sauf que c'est aussi un moyen d'expérimenter des choses. Et que les portraits exposés appartiennent plutôt à la sphère domestique, avec un nombre de représentations, pas toujours très flatteuses, de sa femme, Hortense.

Dans la première salle, on croise Achille Emperaire, un des portraits les plus connus de Cézanne. En pied, sur son trône ridicule, il nous renvoie à notre vanité ! Puis on s'étonne des portraits au couteau de l'oncle Dominique. C'est plus sculpté que peint, avec des grandes taches colorées, des ombres dans les reliefs. On découvre ensuite des autoportraits, des portraits d'Hortense, d'amis, du jeune garçon à la vieille femme courbée. Les couleurs changent, s'éclaircissent, l'épaisseur aussi. Les formats se stabilisent. 

Parmi les plus marquants de ma visite, je retiens l'oncle Dominique, Hortense, Gustave Geoffroy et la vieille au chapelet. Et cet aspect peut-être moins montré des portraits de Cézanne, qui sont aussi un moyen de simplifier, d'expérimenter, de jouer avec la lumière et les formes. Un voyage dans l'intimité du peintre.

lundi 11 septembre 2017

La valse des arbres et des étoiles

Aussitôt croisé chez les parents, aussitôt dévoré. Il faut dire qu'il y a un superbe Van Gogh sur la jaquette et que le peintre s'invite dans ce roman.

Nous y rencontrons Marguerite Gachet, la fille du bien connu docteur d'Auvers-sur-Oise immortalisé par Van Gogh. Jeune femme de 19 ans, bachelière (ce qui est rare en 1890), Marguerite peint et rêve de partir en Amérique. Elle ne supporte pas le conformisme de la vie bourgeoise et cherche à éviter un mariage prévu avec le fils du pharmacien du coin. À ses heures perdues, elle dessine et peint mais sans talent. Jusque là, rien de bien fou. La petite bourgeoise qui se croit rebelle et qui nous casse les pieds, quoi (elle a finit par m'agacer) !

Notre petite aventurière nous conte à la première personne son année et son secret. Elle a croisé Van Gogh dont elle s'est entichée. Car il pourrait notamment lui apprendre à peindre et l'emmener loin de son milieu honni. Marguerite admire le peintre, mais c'est un coup de foudre pour l'œuvre plus que pour l'homme à certains moments. Tout se gâte avec sa passion et son côté tête brûlée... Peu discrète, elle finit par commettre des erreurs. Qui précipitent la fin de l'aventure et de Van Gogh.

Journal fictif de Marguerite, ce roman imagine un Van Gogh plein d'énergie et de rêves, pas du tout le dépressif au bord du suicide que l'on nous dépeint, le peintre maudit et sans espoir. Il est accueilli par un Gachet radin et opportuniste... Et cette petite folle de Marguerite, qui prend beaucoup trop de place. [spoiler alert] J'ai aimé l'hypothèse des faux et du faux suicide même si ça parait complétement tiré par les cheveux mais j'aurais préféré un Van Gogh moins personnage secondaire. 

Van Gogh, Oliviers, MoMA


Un roman qui se lit vite et bien, bercé par la plume simple et efficace de Guenassia. On regrettera d'ailleurs qu'elle ait perdu de sa verve et de son dynamisme. Rien de bien fou donc mais rien de trop (sauf peut être le temps de claustration de Marguerite). Bref sympa sans être inoubliable.

mardi 5 septembre 2017

L’architecte. Portraits et Clichés

Portraits et clichés, le ton est donné, il s'agit d'aller voir du côté de la représentation de l'architecte. Du grand architecte de l'univers, au maître d'oeuvre en passant par les archistars, le parcours invite à découvrir ce que chaque époque a montré de ses architectes.
 
Aux origines, on croise l'incontournable Imhotep, architecte divinisé par les égyptiens, ainsi que quelques noms dans les textes antiques. Mais c'est au Moyen-Age que se fixent les premières représentations d'un architecte avec compas, équerre et maquette. Ces attributs le suivront jusqu'au début du XXe siècle.
A l'époque moderne, les représentations vont augmenter, de "Celui qui bastit, ment" à l'homme de pouvoir, représenté comme un grand de son temps. Au XIXe siècle, les portraits se multiplient et l'architecte n'y échappe pas. Garnier tout particulièrement est photographié, peint, gravé, sculpté... et caricaturé ! Les frères Goncourt, à la langue bien pendue nous en disent ceci :
« Garnier, l’architecte de l’opéra, avec sa tête de Masaccio et sa voix enrhumée, qui le font descendre à la fois des primitifs et du Cantal, avec ses déformations de la mâchoire inférieure, dans les déglutitions, qui le font ressembler à un poisson qui gobe un hameçon, avec son importance gourmée mêlée à des pétarades de vieux rapin romantique, est un voisin de table désagréable à entendre parler, désagréable à voir manger »
Au XXe siècle, on peut admirer des défilés d'architectes revêtus de leurs réalisations, les photos de la vie en école, les stars... et tous les contemporains qui se sont prétés au jeu dans la rue haute, qui mène à l'entrée de l'expo. Enfin, on voit surtout l'image du métier qui se diffuse dans la société et l'on retrouve une présence de l'architecte dans les films, les jeux, les timbres...
 
Un parcours intéressant mais qui manque parfois d'informations sur les oeuvres choisies, sur l'objet de l'exposition, qui montre mais ne questionne pas beaucoup. Bref, je reste sur ma faim.
 

qui bastit ment
Qui Bastit ment © Source gallica.bnf.fr / BnF 
 

samedi 2 septembre 2017

Tous, des sang-mêlés

Expo sur l'identité culturelle au MAC VAL, musée que je découvre pour l'occasion (et qui est très près de Paris, contrairement à l'image que j'en avais).

Ce n'est pas une exposition qui nous démontre quelque chose. C'est plutôt une exposition où l'on choisit son chemin. La salle est vaste, les oeuvres nombreuses et diverses. Les médiums variés : photos, vidéos, peintures, sculptures, installations, etc. Les artistes, tout autant. Les oeuvres se répondent-elles ? Ou font-elles cacophonie ? A chacun de voir. Elles ont chacune une histoire et une compréhension propre. Et c'est à nous de faire les liens.

Je ne vais pas revenir sur les 60 artistes mais vous évoquer quelques éléments.

D'abord, la Round Table de Chen Zhen. C'est effectivement une table ronde dans laquelle sont incrustées des chaises de toutes tailles, formes et origines. Des chaises sur lesquelles il est impossible de s'assoir. Chevaliers, cette table est une utopie ! Le pouvoir prime sur l'idéal d'égalité et de paix. Ou du moins, c'est ce qu'on croit lire dans cette oeuvre créée pour l'anniversaire de l'ONU.

Chen Zhen


Puis Arlésienne de Ninar Esber interroge sur l'identité à travers l'incontournable petite photo. Mais ici, d'où vient cette femme ? A partir d'un même modèle, l'artiste elle-même, coiffée et maquillée différemment, des dizaines de nationalités sont évoquées et questionnées. Plaquées sur les photos. Éternelle étrangère ou de partout ?
Ninar Esber


On croise aussi un groupe à taille humaine, d'hommes et de femmes sans visage, sans couleur, grossiers, gris. Qui sont-ils ? Sont-ils d'ici ou d'ailleurs ? Sont-ils ensemble ? Où vont-ils ? Sont-ils inquiétants et dangereux ? Décontextualisés, presque déshumanisés, ce sont des ombres que nous propose Karim Ghelloussi dans ses Passagers du silence.
Passagers du silence

Il y a aussi des oeuvres pleines d'humour et de vanité comme la copie d'un cavalier de Géricault à l'oriental, la sculpture d'Elisabeth II couronnée de bois de cerfs, les photos et vidéos Perfect Mountain sur l'imaginaire culturel des montagnes suisses allemandes, l'impossible pose d'Harold Offeh...

Il y a des oeuvres sur la langue, la traduction, avec les fables du Panchatantra par Katia Kameli ou Lingua madre de Violaine Lochu. D'autres sur les cartes et les frontières, notamment une très chouette vidéo et des cartes de Bady Dalloul, Dicussion between gentlemen. 



Bady Dalloul

Bref, une expo très riche, où chacun trouvera de quoi penser !

vendredi 25 août 2017

La culture au pluriel

Petit mais passionnant cet essai de Michel de Certeau sur la ou les culture(s), au singulier ou au pluriel ! Il s'intéresse notamment à la culture dite savante et à la privatisation de la culture, à sa fonction répressive et à sa perte de signification. Il jette un regard très lucide sur la récupération politique des faits culturels.

Benares, Inde

L'ouvrage se compose ainsi :

I. Exotismes et ruptures du langage 

1. Les révolutions du « croyable » 
2. L’imaginaire de la ville
3. La beauté du mort
4. Le langage de la violence 

II. Nouveaux marginalismes 

5. Les universités devant la culture de masse 
6. La culture et l'école
7. Minorités

III. Politiques culturelles 

8. L'architecture sociale du savoir
9. La culture dans société
10. Le lieu où l’on traite de la culture

A partir d'exemples comme celui du folklore au XIXe siècle, Michel de Certeau montre comment la collection et l'étude folklorique viennent forger une pseudo identité régionale ou nationale au moment même où celle-ci disparait. Mais aussi combien les revendications culturelles sont un peu les revendications d'un moribond, qui n'a plus d'autres forces à mettre dans la bataille, qui disparait économiquement et politiquement. Il s'intéresse également aux liens étroits entre la langue et les comportements culturels. 

Comme Bourdieu, il montre que la culture est l'affirmation d'une appartenance sociale, d'un pouvoir qui exclut ceux qui n'ont pas les mêmes codes. Et c'est une façon de perpétuer des rapports de force. Il va jusqu'à parler d'un colonialisme culturel, installé par les technocrates contemporains, qui cherchent à posséder cette culture, à la vendre, à la monnayer, à emprisonner les populations dans un rôle de public et de consommateur culturel. 

Mais surtout, il met en garde contre une culture au singulier, qui est liée au pouvoir, et prône une culture au pluriel, toujours à défendre. Une bonne base pour s'interroger sur le relativisme culturel !
 
« Pour qu'il y ait véritablement culture, il ne suffit pas d’être acteur de pratiques sociale, il faut que ces pratiques sociales aient un signification pour celui qui les effectue » [...] la culture « consiste non à recevoir, mais à poser l’acte par lequel chacun marque ce que d’autres lui donnent envie de vivre et de penser »
 

lundi 14 août 2017

Artistes sans art ?

Cet ouvrage de Jean-Philippe Domecq est lu depuis des mois. Je n'avais toujours pas pris le temps de vous en parler. Il est composé de diatribes contre l'art contemporain. Il propose une critique de cet art qui n'a plus de limites, qui prend tout l'espace du monde et appelle à se méfier : nous ne serions pas dans une énième querelle des Anciens et des Modernes mais dans une crise artistique plus profonde. Une crise de la pensée, une bulle intellectuelle et spéculative. 

Jean Dubuffet, La rue, 1980

Voici comment se divise l'ouvrage : 

I. L'art contemporain contre l'art moderne
Et si le fait d'avoir raté Van Gogh justifiait le prix fou de ses toiles aujourd'hui ? Et si cette sacralisation tentait de rattraper l'indifférence initiale ? Et si l'on avait désormais peur de rater le prochain Van Gogh ? Est-ce pour cela qu'on sacralise tant d'artistes sur le simple critère de la nouveauté de leur œuvre ? Et là, on casse du Warhol. Et du Buren.

"Le rire sanguin que le fasciste oppose à l'art moderne a un antécédent historique que l'idéologie moderniste cultive précieusement dans ses pages de gloire. C'est en 1863, au Salon des Refusés, la foule s'esclaffant devant le Déjeuner sur l'herbe, et par la suite refusant les œuvres que l'histoire de l'art retiendra parmi les plus significatives de l'époque [...] Ce rire symbolisa, jusqu'à nos jours, le divorce entre le public et l'innovation artistique, divorce dont les avant-gardes artistiques ensuite se firent une gloire, un devoir, et un critère systématique. La rhétorique moderniste s'est servie de ce réflexe populaire, en effet significatif d'une constante, pour congédier d'avance toute réaction critique face aux productions de l'art moderne". 
 
II. Quand la signature s'est mise à suffire
Les critiques d'art ont aussi leur responsabilité dans la course à la nouveauté, faisant la pluie et le beau temps sur la valeur commerciale des artistes et de leurs œuvres. On parle d'impératif néomaniaque (oui, c'est un peu effrayant). Il est aussi question de tout l'arsenal spéculatif de l'art, qui prend presque le pas sur les œuvres et impose une hiérarchie nouvelle : c'est initialement l’œuvre qui prime sur le discours. 

III. De l'expérimentalisme et de l'invention
L'art du début du XXe se construit autour de révoltes de fond, qui multiplient les avant-gardes. Mais elle tend ensuite à devenir le principe d'innovation, il faut être en rupture, même s'il n'y a pas de fond derrière. Parmi ceux qui trouvent grâce aux yeux de Domecq, qui construisent leur art en intériorisant les avant-gardes sans en faire un indispensable, il y a Giacometti ou Hopper par exemple, à qui l'auteur consacre un joli chapitre. 

Un ouvrage critique intéressant quoi que parfois répétitif, qui questionne sur notre appréhension de l'art moderne.